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Si un dictateur publiait un appel d’offre pour rouvrir un goulag …

Comment des consultants parmi les plus brillants peuvent-ils en venir à plancher froidement sur le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens ou sur l’augmentation des doses d’opiacés mortelles ? Dans cette tribune percutante donnée au Monde le 20 juillet dernier, David Naim, lui-même consultant de haut niveau, livre un témoignage de l’intérieur sur les mécanismes qui transforment l’excellence technique en aveuglement moral. Le titre de sa tribune vaut réquisitoire : « Si un dictateur publiait un appel d’offres pour rouvrir des goulags nul doute qu’il se trouverait des cabinets de conseils prêts à y répondre »

Une analyse sans complaisance d’un système qui, à force de tout vouloir rationaliser, finit par perdre sa propre rationalité et ses valeurs fondamentales. Un texte essentiel pour comprendre les ressorts cachés du pouvoir économique contemporain.

Il dénonce dans cette tribune les dérives éthiques des grands cabinets de conseil à travers deux scandales récents : l’étude du Boston Consulting Group sur le « déplacement » de 500 000 Palestiniens de Gaza, et l’affaire McKinsey qui recommandait le surdosage d’opiacés aux États-Unis.

L’auteur pointe un problème systémique plus profond. Pour David Naïm, ces scandales révèlent « le symptôme d’un système refusant mordicus de prendre la mesure des enjeux géopolitiques ou écologiques, et persuadé contre toute évidence qu’il détient la solution à tout. En dehors de lui, point de pensée rationnelle. » Il diagnostique un paradoxe inquiétant : « c’est bien cet excès de rationalité qui finit par éroder la rationalité elle-même, et, avec elle, toutes les autres valeurs. Le ou la jeune diplômée garde les yeux rivés sur sa performance individuelle. Le ou la cadre, sur celle de son service. Et tout en haut, hors de vue, dans l’Olympe high-tech, le ou la CEO contemple de pures abstractions, indicateurs d’indicateurs d’indicateurs. »

Cette hyper-rationalisation technocratique conduit selon lui à une perte collective du discernement moral, transformant des « cerveaux brillants » en exécutants aveugles de projets inhumains.

Voir également son interview de ce matin dans les Matins de l’été sur France Culture partagée ici et son livre « l
Le consultant « aux éditions la Goutte d’or.

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Quand l’humain devient un rouage : la révélation glaçante d’un consultant repenti mais non démissionnaire.

J’écoute à l’instant l’interview de David Naïm  par Julie Gacon dans les Matins de l’été de France Culture à l’occasion de la sortie de son roman «  Le consultant » (au Editions la Goutte d’or) (à écouter grâce à ce lien à partir de la 39 ème minute).

David Naïm Associé d’un des grands cabinets de conseil de stratégie nous y livre son analyse  particulièrement éclairante de notre système et de son évolution actuelle qui tend à faire de l’homme un élément du dispositif technicien er à le réduire à ce rôle. David Naïm, à travers son expérience de consultant, révèle comment nous assistons à un moment historique où l’humanité risque de perdre sa dimension proprement humaine pour devenir un simple rouage dans une machinerie technique globalisée.

L’exemple révélé par le Financial Times du projet « Gaza Riviera » sur lequel une équipe de consultants de BCG illustre parfaitement cette déshumanisation : pendant 7 mois, 12 employés ont travaillé sur cette initiative « sans les Gazaouis », facturant plusieurs millions de dollars. Cette anecdote révèle un système qui « refuse de voir que ce projet de domination sur la nature est une illusion » et où « on regarde l’homme non comme un sujet » mais comme un élément manipulable du dispositif technique.

Il nous rappelle que « l’humanité a lâché l’affaire » mais qu' »il y a d’autres systèmes de pensée ». Face à l’oubli de l’être, l’auteur plaide pour une résistance qui passe par la conscience et la transformation plutôt que par la fuite.

Le diagnostic de David Naïm nous confronte à une question essentielle : comment préserver l’humain dans un monde qui tend à le réduire à un simple élément technique au service du pouvoir et de la consommation ? Sa réponse, entre lucidité et espoir, mérite notre attention.

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Penser sur et en dehors du cadre.

Réflexion critique sur le biais cognitif de cadrage

Le biais de cadrage, tel que présenté par Eric Baudet dans son post « Biais cognitifs – L(influence de la formulation dans nos prises de décision – le biais de cadrage », met en lumière une limite fondamentale de notre fonctionnement cognitif : nous ne percevons pas les faits en eux-mêmes, mais à travers le prisme de la manière dont ils sont formulés, contextualisés, ou « encadrés ». Cette distorsion, souvent invisible, influence nos jugements, nos décisions, nos émotions — et peut même orienter nos croyances.

Ce phénomène n’est pas marginal : il structure notre rapport au monde, aux autres, et à nous-mêmes. Lorsqu’une information est formulée en termes de gains, nous sommes enclins à prendre des risques. Si la même est présentée sous l’angle des pertes, nous devenons prudents, voire paralysés. Le contenu ne change pas, mais notre réaction, elle, est radicalement différente.

L’analogie avec l’encadrement artistique

Ce biais peut être éclairé par une analogie artistique : celle de l’encadreur de tableau. Ce dernier ne se contente pas de protéger l’œuvre, il en oriente la lecture, la signification, la valeur perçue. Un cadre doré confère à l’œuvre un statut patrimonial ; une caisse américaine, une modernité épurée. Le même tableau, selon le cadre, ne raconte pas la même histoire.

De la même manière, nos pensées sont encadrées : par notre culture, nos expériences, nos émotions, nos filtres médiatiques et sociaux. Nous regardons toujours la réalité à travers un cadre, souvent invisible à nos yeux. Et ce cadre, comme en art, peut à la fois révéler ou déformer, élever ou trahir ce qu’il contient.

Vers une lucidité cognitive : comment élargir notre champ de vision ?

Plutôt que de chercher à abolir ces cadres — chose impossible tant ils sont constitutifs de notre humanité — nous pouvons tenter de les rendre visibles, de les comparer, voire de les dépasser. Voici quelques pistes :

  1. Identifier le cadre
  • Se demander : Comment cette information est-elle présentée ?
  • Est-ce un langage de peur ou d’espoir ? Est-ce formulé en termes de perte ou de gain ? D’opposition ou de nuance ?
  1. Changer de perspective
  • Pratiquer le « changement de lunettes » : reformuler les problèmes à l’envers, ou depuis un autre point de vue (autre culture, autre époque, autre discipline).
  1. Diversifier les sources
  • Lire des points de vue contradictoires, sortir de nos bulles informationnelles et cognitives.
  1. S’exercer à la pensée critique
  • Questionner les intentions derrière les messages, repérer les effets rhétoriques, distinguer les faits des interprétations.
  1. Accepter nos angles morts
  • Reconnaître que même l’effort d’objectivité est un prisme, et qu’aucune vision n’est totale. Toute représentation du réel est une réduction.

Sortons du cadre avec lucidité et humilité

Le biais de cadrage ne doit pas être vu comme une erreur honteuse de notre cognition, mais comme une invitation à l’humilité. Il nous rappelle que nous ne voyons jamais la réalité « toute entière », seulement ce que notre champ de vision — sensoriel, émotionnel, culturel — nous permet d’en percevoir.

Alors sortons du cadre — ou du moins, prenons conscience de son existence. Déplaçons-le, élargissons-le, superposons-en plusieurs, et surtout ne le confondons jamais avec la totalité du réel.

Sortons du cadre et prenons la totalité de la réalité, tout en reconnaissant qu’en tant qu’humains, nous n’avons toujours qu’une vision de cette réalité limitée par notre champ de vision.

 

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Sommes-nous vraiment à l’abri de la désinformation ?

Une stimulante cartographie des crédulités

Merci à Richard Robert pour cet article de Télos «  Désinformation : une sociologie des vulnérabilités » et sa mise à jour particulièrement stimulante de la typologie des crédulités face à l’information et à la désinformation. En dressant un panorama éclairant des profils sociologiques, cognitifs et politiques impliqués dans la propagation de fausses informations, cet article permet de mieux cerner les dynamiques complexes à l’œuvre. Il offre ainsi des clés de compréhension précieuses pour un enjeu fondamental de nos sociétés démocratiques.

Une invitation à l’auto-examen

Cette lecture invite chacun à un salutaire retour sur soi. Il est tentant de se croire immunisé contre ces biais ou appartenant à une supposée « zone saine » de la distribution. Mais ce serait une illusion rassurante : même en se pensant modéré, éclairé ou rationnel, nul n’est à l’abri d’un moment de relâchement, d’une adhésion impulsive, ou d’un raisonnement dicté par l’appartenance plus que par l’analyse. Il est donc essentiel d’admettre que les vulnérabilités évoquées nous concernent tous, à des degrés divers, et pas seulement les extrêmes.

Quand l’intelligence sert le biais

Sur ce point, la formule « Quand l’intelligence rend stupide » mérite peut-être d’être nuancée. Les travaux de Dan Kahan montrent plutôt que l’intelligence peut être mobilisée au service du biais de confirmation lorsqu’elle est couplée à un engagement idéologique fort. Il ne s’agit pas d’un effet direct de l’intelligence elle-même, mais d’un détournement de ses capacités logiques au profit d’un objectif identitaire ou partisan. C’est donc moins l’intelligence qui rend stupide, que l’idéologie qui peut pervertir l’usage de l’intelligence.

Et la majorité modérée dans tout ça ?

Le schéma sur la diffusion asymétrique de la désinformation entre extrême gauche et extrême droite est particulièrement instructif. Mais il soulève une question essentielle : qu’en est-il de la « majorité silencieuse » située dans la zone centrale ? Dans un paysage médiatique où le sensationnalisme et la conflictualité dictent souvent les logiques de diffusion, cette majorité, supposément plus modérée, reste tout de même exposée à des récits extrêmes. Cette exposition peut influencer ses perceptions, sinon ses convictions. Même si l’article souligne, à juste titre, que les recherches contredisent certaines idées reçues sur l’ampleur de cette exposition, le rôle des médias dans l’amplification de contenus polarisants mérite peut-être un examen plus approfondi.

Valoriser la curiosité, vraie boussole critique

Enfin, il est réjouissant que l’article insiste en conclusion sur le rôle central de la curiosité scientifique. Cet esprit de curiosité — ouvert, prudent, rigoureux, mais jamais cynique — mérite d’être promu comme antidote aux dérives évoquées. Il suppose la capacité à accueillir des idées nouvelles sans s’y précipiter, à douter sans sombrer dans le soupçon généralisé, et à chercher sans se perdre. Ce qui caractérise les personnes dotées de cette curiosité, ce n’est pas tant leur niveau d’expertise que leur disposition à apprendre, leur goût pour la complexité et leur tolérance à l’incertitude.

Pour une sociologie de la curiosité.

Il serait passionnant que cet article se poursuive par une enquête équivalente sur la sociologie de la curiosité : qui sont ceux qui cherchent pour comprendre et non pour confirmer ? Qu’est-ce qui favorise cet état d’esprit ? Et comment pouvons-nous, collectivement, le cultiver ?

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De l’émotion au sens : cultiver le passage.

Merci, une nouvelle fois, à Cristol Denis de nous offrir ses analyses et pistes d’action. De la lecture de ce post je retiens cette formule « Le passage du vécu au su ne se décrète pas, il se cultive. Il exige du temps, de l’humilité, et la capacité à habiter les zones floues« . Une formule qui est de celles qui incitent à la réflexion et une belle invitation qu’il nous fait à poursuivre cette interpellation. Qu’il en soit remercié en introduction de ma propre réflexion.

De la surévaluation de l’expérience immédiate.

Notre société moderne, bercée par l’instantané, semble avoir perdu l’appétit pour le passage du vécu au su. Elle glorifie l’expérience immédiate – émotionnelle, spectaculaire, « vécue » – mais peine à accorder de la valeur au processus lent de transformation en savoir véritable.

L’obsession de l’efficacité, des résultats mesurables et de la rentabilité à court terme laisse peu de place à l’introspection, à la mise en mots, à l’analyse. Pourtant, dans un monde saturé d’expériences rapides et d’émotions brutes, il devient vital de réapprendre à transformer ces vécus en savoirs éclairants, transmissibles, puissants.

Entre vécu et su : une zone à apprivoiser

Le vécu est spontané, subjectif, souvent désordonné. Le su, lui, est structuré, transmissible, intégré. Mais entre les deux, s’étend un espace incertain, un territoire flou où l’on tâtonne, où l’on doute.

C’est là que le travail se fait. Dans cette zone grise résident la mémoire, l’émotion, la narration, la confrontation aux autres, et la mise à distance. C’est un territoire exigeant, qui demande de la patience, de la lucidité, et une certaine tolérance à l’inconfort et surtout une volonté farouche de défricher et de comprendre.

Cultiver le passage : un acte de résistance douce

On ne décide pas de « savoir » du jour au lendemain. Ce passage se cultive, comme une terre. Il demande du temps, du soin, de l’humilité. Il faut y revenir, encore et encore, jusqu’à ce que quelque chose prenne forme.

Cultiver, c’est accepter l’invisible, le lent, le fragile. C’est oser dire « je ne sais pas encore », mais je suis en chemin. Dans un monde de slogans et de certitudes, cela relève presque d’un acte militant.

Devenir artisan de sens : les compétences clés

Accéder au « su » suppose de mobiliser des compétences de fond, trop souvent négligées dans les parcours éducatifs ou professionnels :

  • Réflexivité : se regarder agir, penser, ressentir.
  • Curiosité : aller chercher au-delà du vécu brut.
  • Écoute : se confronter à d’autres récits, d’autres angles.
  • Formalisation : mettre en mots pour mieux comprendre.
  • Temps : laisser décanter, revisiter, relire l’expérience.

Ce sont là des compétences humaines, transversales, qui construisent une intelligence sensible, relationnelle et durable.

Réapprenons à penser nos expériences

Dans un monde pressé, savoir prendre le temps de penser ce que l’on vit devient un acte précieux. C’est une manière de reprendre la main sur notre existence, de ne pas se laisser happer par le flot d’événements et de stimuli.

Réapprendre à transformer le vécu en savoir, c’est investir dans une sagesse collective, humble et puissante. Cela commence par une question simple : suis-je prêt à investir ces zones grises et floues dont parle Cristol Denis  pour mieux comprendre ce que je vis ?

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Et si les incohérences étaient la vraie force des organisations ?

Un regard à contre-courant du management traditionnel

Dans un monde managérial dominé par la quête d’efficacité et la recherche d’alignement, l‘écoute du podcast de Paolo Andreassi sur les paradoxes organisationnels nous invite à un salutaire pas de côté. Elle étonne, elle interroge, et surtout, elle invite à une humilité bienvenue.

La cohérence paradoxale : une stabilité par les contradictions

Paolo Andreassi par l’évocation de la cohérence paradoxale renverse la perspective habituelle : loin de voir les contradictions internes comme des dysfonctionnements à corriger, il les érige en véritables piliers de stabilité. Une organisation ne fonctionne pas malgré ses incohérences, mais grâce à elles. C’est ce que traduit le concept de la cohérence paradoxale.

L’illusion de l’alignement total

Ce regard entre en collision frontale avec la posture classique du manager « performant », qui cherche à homogénéiser les pratiques et à gommer toute ambiguïté. Or, supprimer les zones grises revient bien souvent à priver les équipes de leur capacité d’adaptation locale.

La résistance au changement, une réaction logique

La « résistance au changement » devient alors compréhensible : ce n’est pas le changement en lui-même qui est refusé, mais la disparition des marges de manœuvre qui permettaient aux équipes de gérer localement la complexité.

Une méthode en trois temps

Paolo Andreassi nous propose une approche pragmatique en trois étapes :

  1. Cartographier les paradoxes actifs : repérer les tensions qui traversent les pratiques.

  2. Comprendre leurs fonctions : analyser leur rôle dans l’équilibre organisationnel.

  3. Concevoir des régulations hybrides : intégrer une part de diversité dans un cadre partagé, en coconstruisant avec les équipes.

La sociologie des organisations comme boussole

Dans cet appel à la compréhension et à la construction d’un savoir se trouve l’essence même due la sociologie et notamment de la sociologie des organisations. La sociologie des organisations nous rappelle que comprendre précède l’action. Elle invite à observer sans juger, à s’étonner, et à replacer les pratiques dans les réalités vécues.

Vers un changement de posture managériale

Ce que ce podcast propose, c’est moins un changement d’outils qu’un changement de posture : passer d’un management prescripteur à un management observateur et interprète. Un bon manager ne cherche pas à tout lisser, mais à orchestrer les tensions utiles.

Et maintenant ?

Et si, au lieu de chercher à tout maîtriser, nous commencions par observer nos propres paradoxes organisationnels ? Quelles tensions vivent nos équipes au quotidien ? Où se cachent ces incohérences productives qui font tenir l’ensemble ? Prenons un temps pour écouter le terrain, cartographier les contradictions, et coconstruire les règles du jeu.

Managers, dirigeants, RH : osez troquer la recherche d’alignement parfait contre une vraie compréhension des dynamiques locales. C’est souvent là que se loge la vraie résilience.

 Et vous, comment accueillez vous les incohérences dans votre organisation ? Partagez vos expériences ou réactions en commentaire. Continuons ensemble cette réflexion essentielle.

Un immense merci à Paolo Andreassi pour cette inlassable et brillante promotion d’une sociologie des organisations résolument opérationnelle, qui donne aux managers des outils pour penser autrement leur action. Sa démarche est précieuse : elle réintroduit l’intelligence du réel là où trop souvent ne règne qu’une logique de conformité.

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Recentrer l’attention pour transformer l’action

Un changement de focale essentiel

Un grand merci à Cristol Denis qui, à travers ses apports sur la Théorie U, nous invite à prendre un temps salutaire : celui de réfléchir à la manière dont nous portons notre attention. À l’heure où tout conspire à la capter, la détourner ou la fragmenter, cette attention est un bien précieux. Pourtant, nous y veillons peu.

Écouter ce qui vibre en soi

Cristol Denis nous propose une bascule essentielle :

« Déplacer le centre de gravité de la pensée vers la source d’où elle émerge. »

Il nous appelle à écouter ce qui vibre en nous, au-delà du bruit ambiant : intentions, peurs, désirs, intuitions… Un ralentisseur de l’évidence pour sortir des automatismes et ouvrir l’espace des possibles.

 Revenir à l’intérieur : recentrer l’attention

Il s’agit de passer d’une focalisation sur les apparences, les résultats immédiats et les réactions, à une écoute des mouvements intérieurs. Cette clarté retrouvée redonne du sens, en deçà des pressions sociales et des rôles.

 Une nouvelle qualité d’écoute collective

Ce changement d’attention transforme aussi notre rapport aux autres : l’enjeu n’est plus de convaincre, mais de co-construire du sens. L’écoute devient mutuelle, féconde, amplificatrice de coopération et d’authenticité.

 Sortir des automatismes pour orienter l’intention

En ralentissant, on cesse de réagir par réflexe. On commence à voir les systèmes dans lesquels nous sommes pris, et à orienter notre intention vers ce qui compte vraiment. Ce n’est pas renoncer à agir, c’est agir autrement.

 Un contre-pied à nos modes dominants

Ce regard intérieur entre en tension avec nos modèles dominants :

  • Culture de la performance rapide

  • Communication orientée pouvoir,

  • Fragmentation de l’attention.

Autant de modèles qui nous éloignent de la lucidité, de l’écoute et de la coopération.

 Conditions pour un changement durable

Pour intégrer ces idées dans nos vies et nos organisations, plusieurs leviers peuvent être activés :

  • Culture managériale plus coopérative,

  • Éducation à l’intelligence émotionnelle,

  • Espaces protégés pour la réflexion,

  • Valorisation du « non-agir » fécond.

 Des effets concrets et bénéfiques

Pour la société :

  • Moins de décisions précipitées,

  • Relations apaisées,

  • Projets plus durables,

  • Moins de stress, plus de cohérence.

Pour chacun de nous :

  • Clarté intérieure,

  • Écoute profonde,

  • Conscience systémique,

  • Alignement avec ses valeurs.

 Pistes d’action pour chacun et pour tous

Individuellement :

  • Clarifier ses intentions,

  • Ralentir pour mieux agir,

  • Écouter sans agenda,

  • Comprendre les systèmes.

Collectivement :

  • Former à la pleine présence,

  • Créer des espaces de dialogue sincère,

  • Intégrer ces pratiques dans l’éducation,

  • Encourager des récits valorisant la lenteur et le sens.

 Sachons répondre aux objections avec confiance

À ceux qui taxeraient cette démarche d’idéaliste, rappelons ceci :

  • Ce sont les logiques actuelles qui produisent chaos et épuisement.

  • Les grandes avancées naissent souvent à la marge.

  • Il ne s’agit pas d’inaction, mais d’une action plus juste.

  • Ce temps pris est un investissement en efficacité et en lucidité.

 Une Invitation à l’action

Et si nous osions prendre ce temps ? Celui de nous écouter, de mieux comprendre, de co-construire. Ce recentrage de l’attention n’est pas une utopie : c’est un levier puissant pour une transformation individuelle et collective. Commençons dès aujourd’hui à porter attention… à notre attention.

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Partie prenante : rédéfinir pour mieux agir.

Redéfinir la place des parties prenantes

Dans son intervention sur XERFICanal, Dominique Turcq pose la question de la représentation des parties prenantes au sein des conseils d’administration. Une interrogation utile, mais qui me semble révélatrice d’un malentendu plus profond : considérer la représentation comme une concession de pouvoir, au lieu d’un levier de performance partagée.

Partie prenante : un mot à prendre au sérieux

Plutôt que de penser en termes de décision à partager ou de pouvoir à céder, commençons par interroger le sens même du mot. Comme je l’ai développé dans un article déjà ancien (« L’écologie de votre écosystème d’entreprise ») une partie prenante est une partie qui prend part à un projet et contribue à sa réussite. Ce n’est pas un contre-pouvoir, mais un partenaire.

Intégrer l’impact dans la gouvernance

La vraie question n’est donc pas « comment donner du pouvoir ? », mais plutôt : Comment mes décisions impactent-elles ceux qui soutiennent mon activité ? Répondre à cette question, c’est bâtir une gouvernance plus durable, plus responsable, et à terme, plus performante.

Représenter, oui, mais après avoir compris

La réflexion sur la représentation des parties prenantes est essentielle. Mais elle doit venir après une compréhension profonde de ce qu’est une partie prenante. Tant que celle-ci sera vue comme une menace au pouvoir des actionnaires, les entreprises passeront à côté d’une richesse d’intelligence collective.

Vers une gouvernance plus juste

Nous n’avons pas besoin d’un partage de pouvoir contraint. Nous avons besoin d’une conscience élargie de notre interdépendance. C’est en prenant soin de ceux qui prennent part que l’on bâtit des organisations durables et humaines.

Prenons le temps de cartographier nos parties prenantes, dialoguons avec elles, et bâtissons une stratégie qui inclut plutôt qu’elle n’exclut.

Contenu de l’article
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Quand la complexité impose de penser autrement.

La pensée systémique s’impose dans les situations où il n’existe pas de solution simple et unique. Contrairement à l’approche analytique, qui découpe les problèmes en parties isolées, la pensée systémique invite à considérer l’ensemble des perspectives (forcément pour partie antagonistes), l’ensemble des interactions, des rétroactions et des dynamiques propres aux systèmes complexes. Elle est particulièrement pertinente face à ce que l’on appelle des « problèmes complexes ». . Un grand merci au Centre for Relational Care de nous offrir tout en l’illustrant à leur propre démarche en faveur de l’aide à l’enfance une présentation d’une grande clarté de l’approche des systèmes vivants dans ce texte « Complex adaptative systems » (2025). Et un grand merci à Marc Harris pour son partage.

« Les systèmes complexes exigent une compréhension des relations, des rétroactions et des dynamiques globales, car leurs comportements ne peuvent se réduire à la somme de leurs parties. »

De la pierre à l’oiseau : la métaphore de l’imprévisibilité du vivant

Pour illustrer la différence entre un système mécanique et un système vivant, Paul Plsek propose une métaphore frappante : lancer une pierre et lancer un oiseau. La trajectoire d’une pierre peut être calculée précisément grâce aux lois de la physique. En revanche, celle d’un oiseau, pourtant soumis aux mêmes lois, reste imprévisible, car l’oiseau est un système vivant, capable de s’adapter et de modifier sa trajectoire en fonction de son environnement et de ses propres intentions.

« On peut prédire où atterrira une pierre, mais pas un oiseau. Toute tentative de rendre l’oiseau aussi prévisible que la pierre reviendrait à lui ôter sa capacité à vivre et à s’adapter. »

Cette métaphore illustre la difficulté, voire l’impossibilité, de prévoir l’évolution d’un système vivant à partir d’une action isolée. Elle nous met également en garde contre une dérive pourtant fréquente qui cherche en vain par la multiplication des contrôles et l’imposition de règles à réduire l’oiseau à une pierre.

L’autopoïèse : la force de l’auto-maintenance

Le concept d’autopoïèse, introduit par Maturana et Varela, désigne la capacité d’un système à se produire et à se maintenir lui-même, en interaction constante avec son environnement. Un système autopoïétique, comme une cellule vivante ou une organisation humaine, se régénère sans cesse et conserve son identité malgré les changements de ses composants. Cette propriété explique en grande partie la résistance des systèmes vivants au changement : ils tendent à préserver leur organisation interne, même face à des tentatives de transformation externes.

« Un système autopoïétique est organisé comme un réseau de processus qui se régénèrent continuellement, permettant au système de maintenir son organisation propre. »

Le changement de paradigme : clé de l’évolution des systèmes vivants

Changer un système vivant ne se résume pas à modifier ses structures ou ses règles. C’est le paradigme – l’ensemble des croyances, valeurs et représentations qui sous-tendent le système – qu’il faut transformer pour permettre une véritable évolution. Tant que le paradigme dominant reste centré sur le contrôle, la conformité ou la gestion du risque, les changements resteront superficiels et le système reviendra à ses anciens schémas. Un changement de paradigme, en revanche, ouvre la voie à de nouvelles façons de voir, de penser et d’agir, rendant possible une transformation profonde et durable.

« Les paradigmes sont plus difficiles à changer que tout autre aspect d’un système, mais ce sont eux qui déterminent ce qui est possible. »

Quand la pensée systémique devient indispensable

La réflexion systémique s’impose dès lors que l’on se trouve face à des situations où l’imprévisibilité du résultat d’une action est la règle, et non l’exception. C’est le cas dans tous les systèmes vivants, qu’il s’agisse de la société, d’une organisation ou d’une entreprise : l’interaction des multiples composantes, la diversité des points de vue, et la capacité d’auto-organisation rendent impossible toute prédiction linéaire ou mécanique des conséquences d’une décision.

En synthèse, l’approche systémique repose sur quatre piliers essentiels :

  • La prise en compte des perspectives multiples : Comprendre un système vivant exige d’écouter et d’intégrer la diversité des regards, des intérêts et des expériences des acteurs impliqués. Cette pluralité est la clé pour appréhender la complexité réelle du système.
  • La reconnaissance du caractère vivant des systèmes humains : Contrairement à une machine, une entreprise ou une société évolue, apprend, s’adapte et réagit de façon imprévisible à son environnement. Les tentatives de contrôle rigide sont vouées à l’échec face à cette vitalité intrinsèque.
  • La puissance de l’autopoïèse : Les systèmes vivants se maintiennent, se régénèrent et résistent au changement grâce à leur capacité à se reproduire eux-mêmes, à travers leurs valeurs, leurs normes et leurs pratiques internes.
  • La prise en compte du paradigme comme fondation : Les croyances, les valeurs et les représentations collectives constituent la base invisible mais déterminante de tout système. Sans un changement de paradigme, aucune transformation profonde n’est possible.

La réanimation de l’entreprise

En définitive, l’entreprise doit être reconnue comme un système vivant, ce qui implique d’adopter une démarche systémique pour piloter sa transformation. Or, le constat est sans appel : près de 70 % des projets de transformation échouent, illustrant combien notre approche reste encore trop souvent mécaniste et réductrice. Pour réussir, il est urgent d’opérer, là aussi, un véritable changement de paradigme dans notre manière de penser et de pratiquer le management.

C’est à ce prix que l’on pourra espérer voir émerger des organisations réellement adaptatives, résilientes et capables de s’épanouir dans la complexité du monde contemporain.


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Des « Données aberrantes » aux Signaux faibles : Quand l’atypique devient précurseur.

En lisant ce post de Matthias Mueller, « Do you pay attention to outliers? » je  découvre (et apprends) ce terme anglais “outlier”, désignant une donnée hors norme, atypique, très éloignée du reste. Ce concept m’a immédiatement interpellé : dans quelle mesure un outlier peut-il être rapproché de la notion de signal faible, cet indice discret annonciateur d’un futur en gestation ? Et si cette exception contenait, en creux, le futur en train de se dessiner ?

Toute donnée aberrante n’est pas la promesse d’une tendance émergente.

Matthias Mueller cite Roger Martin, pour qui « Outliers are windows on the future ». Une affirmation forte, reprise plus loin : « The future is revealed in the outliers that will become the mean someday ». Mais ce rapprochement, aussi séduisant soit-il, ne va pas de soi. Il soulève une question cruciale : qu’est-ce qui fait qu’une donnée atypique cesse d’être une simple exception pour devenir un signal annonciateur d’une tendance émergente ?

Seul le futur validera une donnée aberrante en signal faible qu’il fallait écouter.

Le problème est qu’on ne peut identifier un outlier comme signal faible qu’a posteriori : c’est le présent, devenu observable, qui valide rétroactivement l’intuition. Ce qui distingue un véritable signal faible d’un simple écart statistique, ce n’est donc pas son caractère aberrant, mais sa capacité à s’inscrire dans une pré-continuité encore invisible — un motif embryonnaire, un frémissement de pattern.

Quand plusieurs points dessinent une droite ils ne sont plus aberrants.

Dire que « It’s the outliers that help us imagine what could be » n’a de valeur que si l’on est capable de discerner dans l’anomalie un germe de régularité à venir. Ce discernement n’est ni automatique ni évident : il exige une lecture sensible, contextuelle, souvent contre-intuitive. Autrement dit, tous les outliers ne sont pas des signaux faibles. Mais certains le deviennent — quand ils résonnent avec un futur possible et qu’ils en dessinent un pattern possible.

L’exception comme écho du futur.

C’est ici que se situe le vrai enjeu : non pas confondre l’exception avec la promesse, mais apprendre à écouter ce que l’exception murmure du monde en train de naître. Ce qu’elle révèle du monde en gestation. Non pour céder à chaque étrangeté, mais pour mieux discerner ce qui, dans l’anomalie, vibre avec un futur possible.

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