La culture d’entreprise : un levier managérial ou une curiosité d’anthropologue ?

Il est certain – et en cela je partage le constat de Michaël V. Dandrieux dans son post –  que nombreux sont ceux qui ne connaissent pas ce qu’est réellement la culture d’entreprise et partant celle de leur entreprise. Mais malheureusement, je ne suis pas certain – contrairement à Michaël V Dandrieux que beaucoup de décideurs et de managers en parlent.
Vendez-leur une mission d’organisation, si possible en vantant de préférence une tendance managériale à la dernière mode, cela sonne concret et promesse d’efficience. Vous avez des chances de capter leur écoute. Mais vous vendez quoi ?  De la culture ? Vous êtes sociologues ou pire … anthropologues ? Vous vous êtes trompés de porte. Pas de temps à perdre, nous on est sérieux ! On lit Friedman et Porter et pas Claude Levi Strauss. Faites vos recherches, nous on est dans l’action. Nous n’avons pas la même … culture.

Nous n’avons pas la même culture !

Et la question est bien là dans cette différence de culture !!! D’un côté, un terrain où l’on cultive de l’efficacité et du profit (en culture intensive si possible quitte à détruire ce terrain et le rendre stérile à terme) et de l’autre côté vous qui vous intéressez justement au terrain afin, à tout le moins, de le préserver et, idéalement, de l’amender, en faisant évoluer le type de culture pour une meilleure récolte et éventuellement pour y faire pousser autre chose qui corresponde mieux et au terrain et au marché auquel sa production est destinée.

Un désintérêt (en partie compréhensible) des dirigeants et du management pour les sciences humaine.

Que l’on se réfère aux écrits de Michel Crozier pour regretter qu’ils n’aient encore que top peu pénétré le monde de l’entreprise alors qu’ils datent de bientôt plus d’un demi-siècle est parlant. Ils suivent le même sort que le rapport Meadows quasi contemporain. Qui ne veut voir ni entendre !!!

Mais attention, il convient également de prendre en compte la responsabilité des zélateurs de l’approche sociologique qui clouent au pilori le (les) patron(s) et le management : le grand coupable. Pour avoir lu un certain nombre (ce nombre étant certain) de thèses de sociologie, je n’ai pu que constater qu’aucune d’entre elle n’a manqué de dénoncer la responsabilité du grand coupable : le patron et le management ! Comment dans ces conditions imaginer qu’un dirigeant accueille avec bienveillance et confiance un sociologue (et encore moins un anthropologue) pour venir se faire dénoncer (lui et son management) comme le coupable de tous les dysfonctionnements de son entreprise.

Tant que ces deux cultures (celle de l‘efficacité et celle de l’anthropologue) s’opposent, par désintérêt voire crainte d’un côté et par jugement et dénonciation de l’autre, il n’y a guère à espérer que la culture d’entreprise, pourtant essentielle, ne rentre dans l’agenda des décideurs et managers.

Un zoulou dans la salle du comité de direction.

Il n’est que de voir – et c’est une expérience personnellement vécue – de vous imaginer consultant dans un grand cabinet de conseil de stratégie et d’organisation plaider pour le développement de diagnostic culturel chez vos clients. Vous vous découvrez, subitement, dans le regard de vos collègues dans la tenue d’un chasseur massai débarquant dans la salle du conseil d’un comité de direction du CAC 40.  Ces cabinets de conseil sont la quintessence de la culture managériale néolibérale et en sont le conservatoire. Que l’intérêt pour la culture de l’entreprise hérisse leurs décideurs suffit à montrer le désintérêt voire la répugnance de leur client à cette thématique. Décidément la culture et la direction d’entreprise ne sont pas miscibles.

La culture est-elle soluble dans le management ?

La question vaut d’être posée et malheureusement trop souvent la réponse est OUI. Mais il peut être intéressant d’en inverser les termes, la question devenant alors : « le management est il soluble par la culture ? » Et là la réponse est OUI.   Nombre de problèmes rencontrés par le management et l’organisation des entreprises trouvent leur solution dans la culture de l’entreprise.

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 » Je questionne, donc Nous sommes »

L’art et l' »essence » de poser une question

Un grand merci à Paolo Andreassi qui nous offre une synthèse des principaux messages du livre de Edgar H. Schein  « Humble Inquiriy » ou l’art de poser humblement des questions.

Ce livre explore l’art de poser des questions avec humilité pour construire des relations de confiance et améliorer la communication. Pour ma part et en préambule à ces conseils avisés, il me parait nécessaire de revenir à l’essentiel, à l’essence de ce qu’est « poser une question ».  A savoir la prise en compte et le respect de l’autre. L’intérêt que l’on prend à l’autre tant par humanisme que tout pragmatiquement dans son propre intérêt. « Son » valant tant pour soi que pour l’autre. Tant il est vrai que l’un et l’autre y trouvent leur intérêt bien compris et bien entendu.

La reconnaissance de l’autre et l’accès à une réalité augmentée

Que ce soit par pur pragmatisme ou par humanisme (les deux pouvant cohabiter avec profit), l’humble prise en compte de l’autre, de son point de vue, de ses attentes, de sa motivation est un indispensable révélateur de la réalité d’une situation que nous vivons ensemble, nous tous ses parties prenantes. Ce questionnement et l’écoute humble et réelle des réponses nous en offre une vision « en relief » de sa réalité. Une vision et une prise en compte de l’intelligence des acteurs parties prenantes du système (cette intelligence des acteurs au fondement de la sociologie) qui conditionne la pertinence et l’efficacité de nos actions, sachant qu’aucune de nos actions est indépendante du système dans lequel elle intervient et des acteurs qui y participent.

Toute équipe est multiculturelle

L’un des exemples donnés et valorisés dans le livre est celui d’un chef d’équipe multiculturelle qui prend le temps de comprendre les différentes perspectives culturelle de ses membres sur l’autorité et la confiance. Reconnaissons que toute équipe est par nature est multiculturelle et soucions nous de chacun de ses membres en étant conscient des multiplicités des aspirations et des points de vue.

Un indicateur de questionnement

Le malheur est, dans un monde qui privilégie l’action et le faire, de constater la faible fréquence de ces humbles et respectueux questionnements. Ils sont pourtant la conditions d’une action efficace. Et cela est tellement le cas, qu’il m’est arrivé de proposer à un Comité de direction de mettre en place un indicateur de questionnement pour juger de l’efficience de son fonctionnement.  Un indicateur de la fréquence de questionnement lors de la tenue de ces réunions. Un indicateur autoporteur d’une évolution vers ce questionnement humble et intégrateur et une indicateur formateur. Poser une question plutôt que d’asséner une affirmation nécessite un changement fondamental de sa façon de penser et de s’interroger. C’est d’ailleurs là une des vertu que je reconnais à la pénétration de l’IA, laquelle nous force à configurer une question et à préciser très exactement une question si l’on veut en obtenir une réponse pertinente et utile.

L’autre, questionné et reconnu dans ses finalités

Reconnaitre cette intelligence des acteurs, nous incite à nous intéresser et donc à questionner l’autre sur ses finalités et attentes : que recherche-t-il dans cette situation ? Qu’est ce qui motive son action et sa prise de position ? Un humble et respectueux questionnement, sans jugement pour aboutir par une réelle et humble écoute, à une réelle prise en compte de ces réponses et aboutir ainsi à une action concertée qui est le propre de l’agir dans un but commun.

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Alors oui, reconnaissons que :

« Je questionne, donc Nous sommes »

 

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