Un constat partagé sur le management
Dans cette vidéo, Christophe Genoud fait le constat que, « faute d’avoir les bases en sciences sociales, quand on veut faire du management c’est compliqué de comprendre ce qui se passe dans nos organisations et compliqué d’avoir un esprit critique » qui permette de décider et d’agir avec pertinence. Nous partageons ce constat. Ces bases en sociologie, en sciences politiques, en anthropologie, … se trouvent dans nombre de livres des années 50 qui trahissent vos cheveux blancs quand vous les citez ou invitez à s’y reporter (« Has been »).
Relire les classiques : une expérience troublante
J’ai deux remarques qui me viennent à l’esprit en partageant ce même constat et ce même regret. Je relis aujourd’hui (et pour certains je les lis aujourd’hui faute de les avoir lus à l’époque) quelques livres parus à l’époque de mes études (c’est vous dire s’ils sont blancs mes cheveux 😉) fin des années 70. Et leur lecture me coupe toute envie d’écrire quoi que ce soit aujourd’hui. En lisant par exemple « L’entreprise du 3ème type » de Georges Archier et Hervé Sérieyx (1984), je me vois écrire avec les mêmes mots ce dont je suis convaincu des pratiques nécessaires aujourd’hui en termes d’organisation et de management.
Pourquoi écrire encore ?
Pourquoi écrire ces lignes pour que dans 50 ans, si d’aventure quelqu’un venait à les, fasse le même constat que moi quant à ces textes écrits il y a 40 ou 50 ans ? En fait, plutôt que de répéter, avec moins de talent, les mêmes messages, j’en viens à me dire qu’il est plus important aujourd’hui de se concentrer sur les raisons qui ont fait que ces écrits n’ont pas produit leurs effets.
Des alertes ignorées depuis 50 ans
Cela est vrai du rapport Meadows « Halte à la croissance » (1972), des écrits de Jacques Ellul sur Le Système technicien (1977), tout autant que de « L’entreprise du 3ème type » d’ Archer et Serieyx (1984) ou de L’Imprécateur (René-Victor Pilhes, 1974) qui eut tant de succès à sa parution.
Le changement de paradigme introuvable
Pour que tous ces textes produisent leurs effets, il y faut un changement de paradigme dans les esprits. Or celui-ci n’a pas eu lieu. Il est frappant de constater le grand renfermement actuel de tous et de chacun sur son individualité, dans cette période de grande incertitude et de perte de repères — une période où le faux devient vrai du seul fait qu’il est proféré à grand coup de communication pour ensuite être démenti avec le même aplomb par les plus puissants.
Comprendre pourquoi nous échouons à changer
Dans un récent échange, Philippe Lukacs me faisait valoir les études montrant la difficulté pour des scientifiques de changer de paradigme. Il me faisait valoir les conditions nécessaires à ce changement. Il ne se produit qu’à la faveur d’un paradigme qui leur offre une vision simplifiée et plus facilement appréhendable de la réalité. Si ce changement est si difficile pour des scientifiques, comment s’étonner qu’il soit quasi impossible pour chacun des simples quidams que nous sommes ?
Revisiter sans avoir visité ?
Je suis frappé qu’aujourd’hui on ne visite plus, mais qu’on revisite. Or, le terme à son sens premier sous-entendrait que l’on a déjà visité avant de revisiter. Cela me fait penser à tous ceux qui disent d’un air inspiré : « Je suis en train de relire Proust », ce qu’il faut bien souvent traduire par le fait qu’ils ne l’ont jamais lu — pas plus hier que maintenant !
Une envie d’y croire encore
Alors oui, je suis prêt à aller au-delà de ma réticence. Combien j’aimerais entendre dire de nos influenceurs et penseurs d’aujourd’hui qu’ils revisitent ces bases et les promeuvent, comme le font tous ceux qui revisitent d’un air inspiré la recette … du pain perdu 😉