Manager : Mission impossible

Ou une mission à réinventer ?

L’on ne peut que partager les constats dressés par philippe d’Iribarne dans le texte de sa conférence au séminaire Managers d’octobre 2024. J’ai le plus grand respect pour philippe d’Iribarne et pour la qualité de ses travaux. Il n’en demeure pas moins que je suis étonné, pour ne pas dire plus, du fait qu’il ne soit pas conclu par le fait que l’ensemble de ces constats rendent aujourd’hui tout bonnement impossible de manager.

Les injonctions qui sont tirées de chacun de ces constats : « En conséquence le manager doit …, doit …., doit … ». Le manager qui effectivement devrait tenir compte de toutes ces évolutions sociétales et générationnelles tout en poursuivant les objectifs de l’entreprise devrait tout bonnement être historien des changements sociaux, sociologue, psychologue voire à l’occasion psychiatre, économiste, ergonome, ergologue, et que sais-je encore … Dur !  Dur ! Ou plutôt et tout bonnement impossible.

Une mission qui devient protéiforme et omnisciente

L’auteur affirme bien « Si les managers ne possèdent pas ce capital culturel et cette capacité d’adaptation, ils risquent de ne pas être à la hauteur des attentes ». Mais le peuvent-ils ? D’autant que l’auteur reconnait dans le même temps : « La situation est d’autant plus complexe que les jeunes générations recherchent un équilibre entre les « je » et « nous » sous des formes variées et souvent instables … Ils doivent jongler avec des attentes variées et des besoins variables de stabilité des collaborateurs, selon les profils individuels, leur logement, leur vie sociale, etc.». Bon courage à qui tentera de manager dans ces conditions !!!
A l’impossible nul n’est tenu. Il serait nécessaire de le dire et d’en tirer les conclusions.  

Psycho affectif ou Responsable ?

Une des injonctions faites à ce manager new look laisse interrogateur : « Les managers doivent désormais considérer les collaborateurs dans leur globalité — « corps, esprit et âme » — car les ressentis psycho-affectifs influencent de plus en plus les comportements au travail et tendent à prendre le dessus sur les situations objectives. »

Que le manager ait à considérer ses collaborateurs dans leur totalité devient un incontournable. Par contre la dernière partie de l’injonction inquiète : « …les ressentis …. tendent à prendre le dessus sur les situations objectives ». Dès lors si la situation objective est (dé)niée au profit du ressenti ne doit on s’attendre à tous les débordements ?

Ne vaut-il pas davantage dialoguer pour accéder à l’objectivité des situations et tout faire pour que chacun accède à la réalité des faits et des situations.  C’est là le propre de l’éducation et de la maturité.
Veut-on des managers qui managent des « psycho-affectifs » et les encouragent dans cet affectif ou des acteurs responsables ?  « Responsable » dont j’aime détourner l’étymologie pour pointer le « res »- la chose et sa réalité -, qui l’introduit. Est responsable celui ou celle qui prend en compte la réalité et qui base son action sur cette réalité. Seule cette réalité prise en compte lui permettra de « tenir sa promesse » qui est l’étymologie exacte de « Responsable ».

Faire Société, réellement et en toute considération.

Pour ma part, et de manière toute simple, il me parait naturel et nécessaire que le manager considère ses collaborateurs au sens de les prendre en considération, ce qui est, tout bonnement, prendre en compte et respecter l’autre. Cela s’appelle ici encore prendre en compte la réalité du collaborateur. Comme on le doit de tout interlocuteur que l’on soit manager, collaborateur ou tout citoyen responsable.

Inversement il appartient à chaque collaborateur de tenir compte de la réalité de la situation et de s’efforcer d’en prendre la vue la plus large et complète possible et de l’intégrer dans ses décisions et actions. Il gagnera à intégrer notamment le fait qu’il n’est pas seul (livré à sa psycho affectivité). Par définition il collabore au sein d’une entité (la société) au sein d’un écosystème et il y est responsable.
A l’entreprise et au management de permettre cette responsabilisation porteuse à la fois d’un épanouissement personnel et … de la performance (la preuve en est faite comme le rappelle , entre autres, Fabrice Gatti dans ses livres « L’Autruche et le Curieux «  et « SOS Travail sous tension » (à paraitre le 10 novembre) ou encore dans cet entretien accordé à RéSolutions Hebdo.

Soyons (réellement) responsables de notre œuvre commune.

C’est finalement cette injonction que je ferai au manager d’aujourd’hui comme d’hier et comme de demain. C’est en fait une injonction qu’ils peuvent s’adresser à eux-mêmes en même temps qu’à leurs équipes : « Prenons ensemble la mesure de la réalité et ensemble collaborons à partir de cette réalité pour œuvrer à la délivrance de la promesse que notre entreprise fait à son marché !

Ainsi recadrée, la mission du manager (re)devient possible.

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