Et si la stratégie était moins une question de plans parfaits… que de mélodies incomplètes ?

Stratégie : l’art de composer avec l’incertitude, entre doute et détermination.

Un grand merci au Dr. George Wainaina pour sa question de savoir quelle définition je donne de la ce qu’est la Stratégie…. Une question que je craignais de me voir posée en écrivant mon post sur la difficulté de la définir en commentaire de l’article de Timothy Timur Tiryaki, PhD 😉) En effet s’il est facile de dire ce que la stratégie n’est pas, il est plus difficile de dire ce qu’elle est.

Pour s’accorder sur la définition que je donne de la stratégie, je dois, pour les non musiciens, une explication sur le titre de cet article.

Le si bémol majeur : une tonalité ambiguë

En musique, le si bémol majeur est une tonalité riche mais instable :

–   Elle évoque à la fois la gravité (proche du do mineur, tonalité du drame) et l’espoir (sa relative majeure, ré bémol, est lumineuse).

–   Comme en stratégie, elle oscille entre ce qu’on maîtrise (la partition, votre projet) et ce qui échappe (les réactions imprévisibles du marché, des concurrents).

A l’exemple d’un chef d’entreprise lance un produit innovant (sa « partition ») sans savoir comment les consommateurs l’accueilleront (les « notes manquantes »). Il doit improviser en gardant la mélodie globale — comme un jazzman qui suit une grille d’accords tout en s’adaptant aux autres musiciens.

Cette formule s’efforce de capturer à la fois l’incertitude (« la méconnaissance de cause ») et la dimension à la fois mélancolique et résolue de l’action stratégique.

La stratégie est un art et non une science

Pour commencer, disons que la stratégie n’est pas une science mais un art. Et là presque tout est dit. Contrairement à une science, le résultat d’un art n’est pas anticipable (à moins de répéter à l’infini toujours le même tableau, ou le même roman, ce qui n’est plus de l’art mais de l’industrie ! …).

Agir en méconnaissance de cause : La stratégie n’est pas un calcul froid, mais un pari éclairé.

On agit sans certitude (comme un général ignorant les plans de l’ennemi, ou un startuppeur testant un marché). Mais on le fait au service d’une cause (votre mission), qui donne un cap malgré l’incertitude. Clausewitz parlait du « brouillard de la guerre » (Nebel des Krieges). La stratégie, c’est avancer dans ce brouillard avec une boussole (son projet) et sans carte détaillée.

L’art d’avancer dans le brouillard, avec une partition incomplète.

La stratégie est l’art de poser des hypothèses de ce qui peut se passer l’autre côté de la colline, cette colline qui vous cache « l’ennemi ». C’est décider en méconnaissance de cause.

L’art du « Si … »

Toute action est portée par une stratégie, la plupart du temps informulée ou implicite et non explicitée : l’espoir de voir se réaliser ce qui est recherché par l’action entreprise. Si je fais ceci alors j’ai l’espoir d’obtenir cela.

Toute stratégie élaborée élabore les différentes hypothèses de ce que ce qui peut surgir de ce brouillard une fois qu’il se dissipera.

Une partition incomplète mais un thème clair, celui de la mission.

La stratégie est un art d’agir mis au service d’un objectif qui est lui-même au service d’une mission et d’un projet. L’art d’imaginer les différents scénarios permettant l’atteinte de cet objectif tout en sachant que l’objectif pourra lui-même évoluer en fonction des circonstances qui se présenteront au cours du « combat ».

Le terme de combat par son étymologie (Cum = avec) devant utilement s’entendre comme un combat « avec » plutôt que « contre » pour atteindre la réussite du projet et l’accomplissement de la mission.

Cet art ne se résume pas à être « agile » et à danser avec le « concurrent » (toujours le « cum » au sens de « avec », ou plutôt à être agile dans ses propres chaussures. C’est-à-dire avec et en tenant compte de ses propres moyens du « ici et maintenant » (certains parlent d’ »effectuation ») tout en intégrant que ces moyens pourront évoluer dans le temps et en fonction des circonstances rencontrées.

La partition stratégique : une sonate en trois temps

Pour pousser la métaphore musicale, j’évoquerais une partition stratégique en trois temps :

1. Silence : Ecouter le marché et les signaux qu’il envoie

Airbnb a pivoté en 2009 après avoir écouté ses premiers utilisateurs (passant des matelas gonflables aux logements).

2. Thème : Lancer une action claire,

Tesla mise sur les voitures électriques avant que le marché ne soit mûr.

3. Adaptations : Improviser les variations en fonction des « contre-chants » du marché

Netflix transforme un déclin (celui de Blockbuster) en opportunité — passant du DVD  au streaming comme un jazzman qui change de tonalité en cours de morceau

 

Votre projet est une mélodie, le marché en écrit les contrechants.

Et vous, quelle est votre partition incomplète ?

La stratégie, c’est oser jouer une mélodie dont on ne connaît pas toutes les notes, mais dont on croit à la beauté.

Trois questions pour passer à l’action :

  1. Quelle est votre mission (votre « thème » musical) ?

  2. Quelles hypothèses faites-vous sur « l’autre côté de la colline » ?

  3. Comment allez-vous écouter les « contrechants » du marché pour ajuster votre partition ?

 Cet article est une invitation à la discussion. Vous avez un exemple de stratégie « en si bémol » ? Un échec qui vous a appris à composer avec l’incertitude ? Partagez-le en commentaire — les meilleures partitions s’écrivent à plusieurs.

 

 

Vous appréciez. Merci de partager.

 

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