L’Entrepreneur du Type 5  » Que voulez-vous que j’y fasse … ?! »

« Si j’avais les moyens… » : L’illusion de l’impuissance

Chez l’entrepreneur de Type 5, le réalisme a un goût amer. Contrairement au Type 1 qui ignore le problème, le Type 5 le connaît par cœur. Il peut vous en dresser précisément et immédiatement la liste technique, financière et humaine. Mais cette clarté ne débouche sur aucune action. Son mantra ? « À quoi bon ? Je n’ai pas les moyens de mes ambitions ». Le problème n’est plus un défi, c’est une fatalité justifiée par le manque de budget, de temps ou de talents.

Mais que se passe-t-il quand le manque de ressources devient l’alibi parfait pour ne plus essayer ?

Des verbatim qui ne trompent pas

Si ces phrases résonnent en vous, vous faites peut-être partie de ces entrepreneurs lucides mais figés qui attendent la perfection… et qui n’agissent jamais.

Et qui pourrait prétendre ne jamais avoir prononcé l’une de ces phrases ?

Un dialogue révélateur

(Dialogue imaginé mais non imaginaire car basé sur 40 ans d’accompagnement de dirigeants et d’entrepreneurs)

À travers ce dialogue, découvrez comment la quête de perfection peut devenir le plus grand obstacle à l’excellence.

L’Entrepreneur : « Écoutez, ne tournons pas autour du pot. Le problème, je le connais parfaitement. Notre système informatique est obsolète, nos processus ne sont plus adaptés, on manque d’efficacité… Je pourrais vous dresser la liste complète. Mais à quoi bon ? Je n’ai tout simplement pas les moyens de m’attaquer à tout ça d’un coup ! »

Solutions : « Vous avez effectivement une vision claire des enjeux. C’est une qualité. Parmi tous ces problèmes que vous identifiez, lequel impacte le plus votre activité au quotidien ? »

L’Entrepreneur : « Le système informatique, sans hésiter ! Il nous fait perdre un temps fou, les clients s’impatientent, mes équipes sont frustrées… Mais vous savez combien ça coûte de refaire tout un système ? Entre 150 et 200K€ ! Et puis il faut former les équipes, migrer les données, gérer la transition… On parle d’au moins un an de projet. J’ai pas cette trésorerie, moi ! »

RéSolutions : « 150-200K€, c’est effectivement un investissement conséquent. Comment avez-vous calculé ce montant ? »

L’Entrepreneur : « J’ai fait faire plusieurs devis il y a deux ans. Les intégrateurs nous proposaient du sur-mesure, avec tous les modules possibles… La gestion ultra-sophistiquée, le CRM avec intelligence artificielle, les tableaux de bord en temps réel… Mais bon, une fois qu’on se lance, autant faire les choses bien, non ? »

Solutions : « Autant faire les choses bien… Cette philosophie du ‘tout ou rien’, ne pourrait-elle pas être ce qui vous bloque ? »

L’Entrepreneur : « Comment ça ? Vous voulez que je fasse les choses à moitié ? Écoutez, si je change de système, c’est pour au moins dix ans. Je ne vais pas recommencer tous les deux ans ! Et puis, qu’est-ce que vont penser mes clients si on a encore un système bancal ? »

Solutions : « Vos clients jugent-ils votre entreprise sur la sophistication de votre système informatique ou sur la qualité de vos produits et services ? »

L’Entrepreneur : « Sur nos services, bien sûr… D’ailleurs, bizarrement, on continue à croître malgré nos difficultés techniques. Nos clients nous font confiance. Mais c’est de plus en plus difficile à maintenir avec nos outils actuels. »

RéSolutions : « Intéressant. Vous croissez malgré vos contraintes techniques. Qu’est-ce que cela vous dit sur les vraies priorités de vos clients ? »

L’Entrepreneur : « Qu’ils s’en fichent un peu de nos outils tant qu’on livre… Mais nous, on rame ! Tenez, hier encore, on a perdu deux heures sur une commande parce que le système avait planté. Mes équipes en ont marre. »

RéSolutions : « Deux heures perdues… Si cela arrive régulièrement, quel est le coût réel de ces dysfonctionnements sur une année ? »

L’Entrepreneur : « Oh là, beaucoup ! Entre les heures perdues, les erreurs, le stress des équipes… Attendez, laissez-moi calculer… On doit perdre facilement 15-20 heures par semaine… Sur un an, avec le coût horaire moyen… On doit parler de 40-50K€ minimum ! »

Solutions : « 40-50K€ par an… En trois ans, cela représente combien par rapport à vos 200K€ d’investissement ? »

L’Entrepreneur : « Ah… Vu comme ça… On parle du même ordre de grandeur. Mais ce n’est pas pareil ! Les 50K€, je ne les sors pas de ma poche d’un coup ! »

Solutions : « Effectivement, la trésorerie est différente. Mais dites-moi, avez-vous exploré d’autres options que le grand remplacement total ? »

L’Entrepreneur : « Quoi par exemple ? De toute façon, il n’y a pas trente-six solutions. Notre système date de 2015, il faut le changer, point. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? Du bricolage ? »

Solutions : « Que se passerait-il si vous ne changiez que le module le plus problématique d’abord ? »

L’Entrepreneur : « Ah non, ça c’est le piège classique ! On nous l’a déjà fait le coup. On change un bout, puis un autre, et au final on a un système hybride encore plus compliqué. Non, non, si on fait, on fait bien. »

Solutions : « Cette expérience passée influence visiblement votre approche actuelle. Mais entre ‘tout changer d’un coup’ et ‘ne rien faire’, n’y a-t-il vraiment aucune alternative ? »

L’Entrepreneur : « Ben… Je suppose qu’on pourrait… Non, mais attendez ! Même si on ne change qu’une partie, il faut quand même de l’argent ! Et du temps ! Et de l’énergie ! J’ai déjà du mal à faire tourner la boîte au quotidien, alors si en plus il faut que je gère un projet informatique… »

Solutions : « Vous mentionnez l’énergie et le temps. Ces ressources vous font-elles plus défaut que l’argent ? »

L’Entrepreneur : « C’est vrai que… Financièrement, on pourrait peut-être se débrouiller pour 50K€ étalés sur quelques mois. Mais c’est tout le reste ! Il faut s’occuper du projet, coordonner, former les équipes… J’ai pas le temps ! »

Solutions : « Et si quelqu’un d’autre dans votre équipe pouvait porter ce projet ? »

L’Entrepreneur : « Qui ? Martin de la compta ? Sarah de la production ? Ils ont déjà leur travail ! Et puis, ils n’y connaissent rien en informatique ! »

Solutions : « Ont-ils besoin de tout connaître en informatique, ou simplement de bien connaître vos processus métier et d’être capables de dialoguer avec un prestataire ? »

L’Entrepreneur : « Mmm… Martin, il connaît nos processus par cœur. Et il est plutôt organisé… Mais bon, c’est quand même risqué de lui confier ça ! »

RéSolutions : « Plus risqué que de continuer avec le système actuel ? »

L’Entrepreneur : « Non, évidemment… D’ailleurs, Martin m’a déjà dit plusieurs fois qu’il aimerait bien s’occuper de projets transverses… Mais au final, est-ce que j’ai vraiment envie de me lancer là-dedans ? On s’en sort quand même, non ? »

Solutions : « Excellente question ! Au fond, quelle est votre vraie motivation ? Résoudre le problème ou préserver le statu quo ? »

Un long silence.

L’Entrepreneur : « Ça, c’est la question qui fâche ! Parce que, soyons honnêtes… Je me plains de ce système depuis trois ans, mais je n’ai jamais vraiment tout fait pour le changer. C’est plus confortable de dire ‘je n’ai pas les moyens’ que de se retrousser les manches. »

Solutions : « Cette prise de conscience est remarquable. Qu’est-ce qui vous fait hésiter vraiment ? »

L’Entrepreneur : « La peur de l’échec, probablement. Et puis, bizarrement, ces contraintes me rassurent aussi. Elles m’évitent de prendre des risques, de faire des choix difficiles. Si je me lance et que ça rate, ce sera de ma faute. Tant que je ne fais rien, je peux toujours dire que c’est à cause du manque de moyens. C’est un alibi parfait ! »

Solutions : « Et si vous transformiez cette contrainte en opportunité d’innover avec les moyens du bord ? Que se passerait-il si vous acceptiez de lancer quelque chose d’imparfait, mais qui fonctionne ? »

L’Entrepreneur : « C’est… c’est difficile pour moi. J’ai toujours eu cette exigence de qualité. Mais vous avez raison. La perfection que je cherche m’empêche d’avancer. Mes clients préfèreraient probablement un service un peu moins parfait mais plus fluide qu’un système parfait qui n’existe pas. »

Solutions : « Le parfait est l’ennemi du bien. Et le bien qui existe aujourd’hui vaut mieux que le parfait qui n’existera jamais. Que pourriez-vous faire dès demain avec 20K€ et six mois ? »

L’Entrepreneur : « Vous savez quoi ? Je vais commencer par parler à Martin. On va regarder ce qu’on peut améliorer en priorité, même si ce n’est pas la solution idéale. Au pire, on apprend quelque chose ! Et si ça marche, on continue. Petit à petit. »

Solutions : « Félicitations. Vous venez de passer de la quête de perfection à la recherche d’excellence. L’excellence accepte l’imperfection temporaire au service du progrès. La perfection refuse l’action au nom d’un idéal inaccessible. »

La perfection rassure dans son exigence. L’action transforme dans son imperfection.

Ce que révèle cet entrepreneur du Type 5

Cet entrepreneur possède des qualités réelles : exigence, sens du détail, engagement pour la qualité, respect de ses clients. Mais ces forces se sont transformées en prison dorée.

L’Angle Mort du Type 5 

L’entrepreneur confond la perfection avec l’excellence, et l’exigence avec la paralysie. Il utilise les contraintes réelles (manque de moyens, de temps, de ressources) comme alibis pour masquer une peur plus profonde : celle de l’échec, du jugement, de la déception. Le résultat : les projets s’accumulent dans les tiroirs, les opportunités passent, les équipes s’épuisent dans l’attente de permissions qui ne viennent jamais. L’inaction coûte plus cher que toutes les solutions imparfaites possibles.

 

Les 5 enseignements clés

  1. La perfection est un leurre paralysant
    Attendre la perfection, c’est garantir l’inaction. Les entrepreneurs les plus performants savent qu’il vaut mieux lancer à 80% de qualité et itérer qu’attendre un 100% qui n’arrive jamais. L’excellence s’atteint par l’amélioration continue, pas par la perfection initiale.
  2. Le coût de l’inaction est sous-estimé
    Les entrepreneurs calculent précisément le coût des solutions mais rarement celui de ne rien faire. Les heures perdues, les opportunités manquées, la démotivation des équipes, l’érosion de la compétitivité… L’inaction a un prix exorbitant qu’on ne voit pas car il n’apparaît pas en comptabilité.
  3. Les contraintes deviennent des alibis
    Quand on se focalise sur ce qui manque, on perd de vue ce qui est possible. Le manque de moyens devient une excuse confortable pour éviter de prendre des risques, de faire des choix difficiles, d’affronter la peur de l’échec. Il est plus facile de dire « je n’ai pas les moyens » que « j’ai peur ».
  4. Le perfectionnisme cache la peur
    Derrière l’exigence de qualité se cache souvent la peur du jugement, de la déception, de ne pas être à la hauteur. Le perfectionniste utilise ses standards impossibles comme bouclier contre la vulnérabilité. Mais cette protection l’empêche d’avancer et donc de réussir.
  5. L’action imparfaite vaut mieux que l’inaction parfaite
    Les plus grandes réussites viennent de prototypes imparfaits, de premiers essais maladroits, de versions beta lancées trop tôt. La créativité naît de l’expérimentation, pas de la planification parfaite. Le feedback du réel vaut tous les scénarios anticipés.

Des pistes d’évolution

Pour sortir du perfectionnisme paralysant

  1. Calculer le coût réel de l’inaction
  • Quantifiez précisément ce que vous coûtent les problèmes non résolus
  • Comptez les heures perdues, les erreurs, la démotivation
  • Comparez ce coût au coût des solutions imparfaites
  • Réalisez que ne rien faire est souvent plus coûteux qu’agir
  1. Fractionner vos projets (quick wins)
  • Identifiez ce qui apporte 80% de la valeur avec 20% des moyens
  • Définissez le MVP (Minimum Viable Product) : qu’est-ce qui est suffisant pour commencer ?
  • Lancez des pilotes limités plutôt que d’attendre les conditions parfaites
  • Célébrez les petites victoires pour créer une dynamique
  1. Accepter « assez bien » comme suffisant
  • Fixez-vous des deadlines fermes et respectez-les
  • Distinguez ce qui doit être parfait de ce qui doit simplement fonctionner
  • Rappelez-vous : vos clients jugent le résultat, pas le processus
  • Le « assez bien » d’aujourd’hui bat le « parfait » de jamais
  1. Lancer des versions beta/pilotes
  • Testez avec un groupe restreint de clients bienveillants
  • Recueillez des retours réels plutôt que d’anticiper des scénarios
  • Itérez en fonction de ce que vous apprenez
  • Le terrain est plus intelligent que toutes vos hypothèses
  1. Mobiliser vos ressources internes
  • Vos collaborateurs peuvent porter des projets s’ils sont accompagnés
  • Déléguez à ceux qui connaissent vos processus métier
  • Faites confiance : votre équipe est plus capable que vous ne le pensez
  • Le portage collectif d’un projet le rend plus robuste
  1. Questionner votre vraie motivation
  • Distinguez les vraies contraintes des résistances psychologiques
  • Demandez-vous : « Ai-je peur de l’échec ou du jugement ? »
  • Reconnaissez que la peur est légitime, mais qu’elle ne doit pas commander
  • Le courage n’est pas l’absence de peur, c’est agir malgré elle
  1. Adopter une culture de l’itération
  • Comprenez que les produits évoluent avec le temps et les retours
  • Embrassez l’amélioration continue plutôt que la perfection initiale
  • Chaque version est un apprentissage vers la suivante
  • Les meilleurs produits du monde ont commencé imparfaits

 

Ce que nous enseignent la recherche et l’expérience

Sur le perfectionnisme et la paralysie décisionnelle

  1. Le perfectionnisme maladaptatif
    La recherche distingue le perfectionnisme sain (standards élevés mais flexibles) du perfectionnisme maladaptatif (standards impossibles et rigides). Ce dernier est associé à la procrastination, l’anxiété et paradoxalement à de moins bonnes performances, car il empêche l’action et l’apprentissage par l’expérience.
  2. La paralysie par l’analyse (analysis paralysis)
    Les études montrent que l’excès d’analyse et de planification conduit à l’inaction. Au-delà d’un certain seuil, davantage d’information et de réflexion n’améliore plus la décision mais la retarde. Les meilleurs décideurs savent agir avec 70-80% d’information.
  3. Le coût d’opportunité de l’attente
    La recherche en économie comportementale démontre que nous sous-estimons systématiquement le coût de l’inaction (biais du statu quo). Nous calculons précisément le coût des actions mais pas celui de ne rien faire, créant un biais favorable au maintien de la situation actuelle.
  4. L’apprentissage par l’action
    Les travaux sur l’innovation montrent que l’apprentissage le plus efficace vient de l’expérimentation rapide et de l’itération. Le principe du « fail fast, learn faster » démontre que les échecs rapides et peu coûteux sont plus formateurs que la planification longue.
  5. Le syndrome de l’imposteur
    La recherche établit un lien fort entre perfectionnisme et syndrome de l’imposteur. La peur de ne pas être à la hauteur pousse à des standards impossibles qui garantissent l’insatisfaction permanente et l’évitement de situations d’évaluation.
  6. La loi de Parkinson appliquée à la qualité
    « Le travail s’étend pour remplir le temps disponible. » Appliqué à la qualité : « La recherche de perfection s’étend pour remplir les ressources disponibles. » Sans limite fixée, le perfectionniste trouvera toujours un détail à améliorer.

Auteurs et références majeures – Les sources

 La question qui change tout

« Ai-je peur de l’échec ou du jugement ? »

 Le vrai courage

Il n’est pas d’attendre la perfection en peaufinant sans fin, mais d’oser lancer imparfaitement et de découvrir ce que l’action nous révèle.

Le courage n’est pas l’absence de peur, c’est agir malgré elle.

Le parfait est l’ennemi du bien. L’excellence naît de l’itération, pas de la perfection initiale.

👉 Lire sur RéSolutions l’article complet.

👉 Retrouver l’ensemble de la série « Et si vous étiez votre propre angle mort ? »

 

 🔜 Le prochain article

Rendez-vous mardi prochain pour découvrir le Type 6 de notre série  » Et si vous étiez votre propre angle mort ?  » : L’Entrepreneur de Type 6 « J’ai tout essayé… ! »

Ce prochain profil nous plongera dans l’univers de l’entrepreneur résigné, celui qui a perdu foi en sa capacité à changer les choses. Comment la fatigue légitime se transforme-t-elle en fatalisme paralysant ? Et surtout : comment la reconnexion au sens peut-elle redonner l’énergie que les moyens matériels ne peuvent apporter ?

#Leadership #Vulnérabilité #IntelligenceCollective #Entrepreneuriat #Lucidité

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