
Une vision séquentielle qui interroge
Dans ce post sur « l’angle mort de l’intelligence collective », Martin Duval propose une distinction claire entre deux phases et deux rôles dans l’accompagnement des organisations : le consultant d’un côté, le coach de l’autre. Son schéma, intitulé « Processus d’Intelligence Collective », présente une approche séquentielle qui mérite réflexion et, peut-être, questionnement.
La vision séquentielle : consultation puis coaching
Martin Duval structure son approche en deux temps distincts. D’abord, le consultant intervient dans une phase qu’il limite à une « consultation », au sens strict du terme : celui qui consulte, qui recueille les informations et les perspectives. Une fois cette mission terminée, il identifie un risque majeur : le « Fossé du Silence ». Ce moment où, « faute d’arbitrage clair et de décision expliquée dans le bon timing, l’attente se transforme en frustration ».
C’est alors qu’intervient (ou devrait intervenir), selon lui, le coach. Son mandat ? « Forcer la convergence. Il devient l’allié du dirigeant et apporte une « neutralité froide » nécessaire pour trier, renoncer et confronter les propositions à la réalité stratégique. »
La neutralité stratégique : un impératif dès l’origine
Cette approche soulève une interrogation fondamentale : pourquoi cette « neutralité froide nécessaire pour confronter les propositions à la réalité stratégique » n’interviendrait-elle qu’au second stade ? C’est précisément sur ce point que se révèle, à mon sens, la distinction entre le « consultant » (qui nécessiterait l’intervention ultérieure d’un coach) et le véritable « conseil ».
Le conseil, dans son acception la plus complète, intègre ces deux dimensions dès le départ. Il est nécessairement consultant pour appréhender au plus près la réalité de son client, mais aussi coach, non seulement du dirigeant mais de l’ensemble de l’organisation, pour définir les conditions de réussite de la stratégie et garantir sa mise en œuvre.
Une question de terminologie révélatrice
Sur le schéma de Martin Duval apparaît la mention « fin de la mission de consulting« . Cette formulation me semble problématique. S’il s’agit de marquer la fin d’une phase de recueil d’informations, le terme approprié serait plutôt « fin de la consultation » et « compte rendu de consultation« . Mais certainement pas « fin de la mission de conseil« .
La véritable fin de la mission de conseil se situerait, dans une démarche d’intelligence collective authentique, à l’issue de ce que Martin Duval nomme la « Zone d’impact« . D’ailleurs, son propre raisonnement va dans ce sens puisqu’il préconise que 20% du total de l’effort de la mission porte sur cette partie.
Vers une approche intégrée plutôt que séquentielle
Une mission de conseil complète nécessite effectivement ces deux composantes : la consultation et l’accompagnement stratégique. Cependant, leur pertinence et leur pouvoir de transformation sont maximisés lorsqu’elles ne se succèdent pas mais cohabitent en permanence, et ce dès le départ de la mission.
Cette approche intégrée permet d’éviter le fameux et dénoncé « Fossé du Silence » en maintenant tout au long du processus cette « neutralité froide » qui confronte régulièrement les propositions émergentes à la réalité stratégique de l’organisation. Elle assure également une continuité dans l’accompagnement qui facilite l’appropriation et l’implémentation des décisions prises.
Conclusion : repenser les frontières du conseil
La réflexion initiée par Martin Duval nous invite à clarifier nos positionnements et nos pratiques. Plutôt que de séparer artificiellement consultation et coaching, ne devrions-nous pas concevoir le conseil comme un continuum où ces deux dimensions s’enrichissent mutuellement tout au long de la mission et de différencier enfin le conseil du consultant ?
C’est dans cette hybridation permanente que réside sans doute la valeur ajoutée d’un véritable conseil : être à la fois à l’écoute et dans la confrontation stratégique, facilitateur et challenger, accompagnateur de la réflexion collective et garant de son ancrage dans la réalité.


