Merci, une nouvelle fois, à Cristol Denis de nous offrir ses analyses et pistes d’action. De la lecture de ce post je retiens cette formule « Le passage du vécu au su ne se décrète pas, il se cultive. Il exige du temps, de l’humilité, et la capacité à habiter les zones floues« . Une formule qui est de celles qui incitent à la réflexion et une belle invitation qu’il nous fait à poursuivre cette interpellation. Qu’il en soit remercié en introduction de ma propre réflexion.
De la surévaluation de l’expérience immédiate.
Notre société moderne, bercée par l’instantané, semble avoir perdu l’appétit pour le passage du vécu au su. Elle glorifie l’expérience immédiate – émotionnelle, spectaculaire, « vécue » – mais peine à accorder de la valeur au processus lent de transformation en savoir véritable.
L’obsession de l’efficacité, des résultats mesurables et de la rentabilité à court terme laisse peu de place à l’introspection, à la mise en mots, à l’analyse. Pourtant, dans un monde saturé d’expériences rapides et d’émotions brutes, il devient vital de réapprendre à transformer ces vécus en savoirs éclairants, transmissibles, puissants.
Entre vécu et su : une zone à apprivoiser
Le vécu est spontané, subjectif, souvent désordonné. Le su, lui, est structuré, transmissible, intégré. Mais entre les deux, s’étend un espace incertain, un territoire flou où l’on tâtonne, où l’on doute.
C’est là que le travail se fait. Dans cette zone grise résident la mémoire, l’émotion, la narration, la confrontation aux autres, et la mise à distance. C’est un territoire exigeant, qui demande de la patience, de la lucidité, et une certaine tolérance à l’inconfort et surtout une volonté farouche de défricher et de comprendre.
Cultiver le passage : un acte de résistance douce
On ne décide pas de « savoir » du jour au lendemain. Ce passage se cultive, comme une terre. Il demande du temps, du soin, de l’humilité. Il faut y revenir, encore et encore, jusqu’à ce que quelque chose prenne forme.
Cultiver, c’est accepter l’invisible, le lent, le fragile. C’est oser dire « je ne sais pas encore », mais je suis en chemin. Dans un monde de slogans et de certitudes, cela relève presque d’un acte militant.
Devenir artisan de sens : les compétences clés
Accéder au « su » suppose de mobiliser des compétences de fond, trop souvent négligées dans les parcours éducatifs ou professionnels :
- Réflexivité : se regarder agir, penser, ressentir.
- Curiosité : aller chercher au-delà du vécu brut.
- Écoute : se confronter à d’autres récits, d’autres angles.
- Formalisation : mettre en mots pour mieux comprendre.
- Temps : laisser décanter, revisiter, relire l’expérience.
Ce sont là des compétences humaines, transversales, qui construisent une intelligence sensible, relationnelle et durable.
Réapprenons à penser nos expériences
Dans un monde pressé, savoir prendre le temps de penser ce que l’on vit devient un acte précieux. C’est une manière de reprendre la main sur notre existence, de ne pas se laisser happer par le flot d’événements et de stimuli.
Réapprendre à transformer le vécu en savoir, c’est investir dans une sagesse collective, humble et puissante. Cela commence par une question simple : suis-je prêt à investir ces zones grises et floues dont parle Cristol Denis pour mieux comprendre ce que je vis ?