La question de la question.

Andrea Petrone nous propose avec pertinence dans ce post « How to ask questions that shifts the room » 10 façons de poser pour un CEO (mais en fait pour chacun de )des questions qui inspirent l’autre et l’aidant à penser et à agir. C’est là également la mission que se donne Yves Richez, PhD dans son article « Comment poser une bonne question ?« . Ou encore Jean-Philippe Denis dans une de ses chroniques, qui nous rappelait que « Diriger, c’est aussi l’art de se poser les bonnes questions« .

Merci à tous pour ces pistes qui sont autant de « béquilles » pour approcher pour soi et pour l’autre un pan de la réalité qui nous échappait faute d’avoir la réponse à ces questions.

Mais avant de nous armer de ces béquilles qui nous aideront à boitiller vers la vérité de la réalité ne convient-il pas de nous poser la question de la question ? Avant de savoir comment nous poser ces questions et comment les poser à autrui, ne convient-il pas de savoir ce qui fait que nous nous les posons et que nous les posons et dans quel but. Cette question m’accompagne depuis longtemps comme j’en rendais compte il y a quelques temps dans cet article « La question sans réponse  » en écho à la chronique de Jean-Philippe Denis. Si, avec gourmandise nous revient à l’esprit cette célèbre réplique « C’est peut-être pas votre question mais c’est ma réponse », je reste pour ma part avec ma question sans réponse.

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Si un dictateur publiait un appel d’offre pour rouvrir un goulag …

Comment des consultants parmi les plus brillants peuvent-ils en venir à plancher froidement sur le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens ou sur l’augmentation des doses d’opiacés mortelles ? Dans cette tribune percutante donnée au Monde le 20 juillet dernier, David Naim, lui-même consultant de haut niveau, livre un témoignage de l’intérieur sur les mécanismes qui transforment l’excellence technique en aveuglement moral. Le titre de sa tribune vaut réquisitoire : « Si un dictateur publiait un appel d’offres pour rouvrir des goulags nul doute qu’il se trouverait des cabinets de conseils prêts à y répondre »

Une analyse sans complaisance d’un système qui, à force de tout vouloir rationaliser, finit par perdre sa propre rationalité et ses valeurs fondamentales. Un texte essentiel pour comprendre les ressorts cachés du pouvoir économique contemporain.

Il dénonce dans cette tribune les dérives éthiques des grands cabinets de conseil à travers deux scandales récents : l’étude du Boston Consulting Group sur le « déplacement » de 500 000 Palestiniens de Gaza, et l’affaire McKinsey qui recommandait le surdosage d’opiacés aux États-Unis.

L’auteur pointe un problème systémique plus profond. Pour David Naïm, ces scandales révèlent « le symptôme d’un système refusant mordicus de prendre la mesure des enjeux géopolitiques ou écologiques, et persuadé contre toute évidence qu’il détient la solution à tout. En dehors de lui, point de pensée rationnelle. » Il diagnostique un paradoxe inquiétant : « c’est bien cet excès de rationalité qui finit par éroder la rationalité elle-même, et, avec elle, toutes les autres valeurs. Le ou la jeune diplômée garde les yeux rivés sur sa performance individuelle. Le ou la cadre, sur celle de son service. Et tout en haut, hors de vue, dans l’Olympe high-tech, le ou la CEO contemple de pures abstractions, indicateurs d’indicateurs d’indicateurs. »

Cette hyper-rationalisation technocratique conduit selon lui à une perte collective du discernement moral, transformant des « cerveaux brillants » en exécutants aveugles de projets inhumains.

Voir également son interview de ce matin dans les Matins de l’été sur France Culture partagée ici et son livre « l
Le consultant « aux éditions la Goutte d’or.

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Penser sur et en dehors du cadre.

Réflexion critique sur le biais cognitif de cadrage

Le biais de cadrage, tel que présenté par Eric Baudet dans son post « Biais cognitifs – L(influence de la formulation dans nos prises de décision – le biais de cadrage », met en lumière une limite fondamentale de notre fonctionnement cognitif : nous ne percevons pas les faits en eux-mêmes, mais à travers le prisme de la manière dont ils sont formulés, contextualisés, ou « encadrés ». Cette distorsion, souvent invisible, influence nos jugements, nos décisions, nos émotions — et peut même orienter nos croyances.

Ce phénomène n’est pas marginal : il structure notre rapport au monde, aux autres, et à nous-mêmes. Lorsqu’une information est formulée en termes de gains, nous sommes enclins à prendre des risques. Si la même est présentée sous l’angle des pertes, nous devenons prudents, voire paralysés. Le contenu ne change pas, mais notre réaction, elle, est radicalement différente.

L’analogie avec l’encadrement artistique

Ce biais peut être éclairé par une analogie artistique : celle de l’encadreur de tableau. Ce dernier ne se contente pas de protéger l’œuvre, il en oriente la lecture, la signification, la valeur perçue. Un cadre doré confère à l’œuvre un statut patrimonial ; une caisse américaine, une modernité épurée. Le même tableau, selon le cadre, ne raconte pas la même histoire.

De la même manière, nos pensées sont encadrées : par notre culture, nos expériences, nos émotions, nos filtres médiatiques et sociaux. Nous regardons toujours la réalité à travers un cadre, souvent invisible à nos yeux. Et ce cadre, comme en art, peut à la fois révéler ou déformer, élever ou trahir ce qu’il contient.

Vers une lucidité cognitive : comment élargir notre champ de vision ?

Plutôt que de chercher à abolir ces cadres — chose impossible tant ils sont constitutifs de notre humanité — nous pouvons tenter de les rendre visibles, de les comparer, voire de les dépasser. Voici quelques pistes :

  1. Identifier le cadre
  • Se demander : Comment cette information est-elle présentée ?
  • Est-ce un langage de peur ou d’espoir ? Est-ce formulé en termes de perte ou de gain ? D’opposition ou de nuance ?
  1. Changer de perspective
  • Pratiquer le « changement de lunettes » : reformuler les problèmes à l’envers, ou depuis un autre point de vue (autre culture, autre époque, autre discipline).
  1. Diversifier les sources
  • Lire des points de vue contradictoires, sortir de nos bulles informationnelles et cognitives.
  1. S’exercer à la pensée critique
  • Questionner les intentions derrière les messages, repérer les effets rhétoriques, distinguer les faits des interprétations.
  1. Accepter nos angles morts
  • Reconnaître que même l’effort d’objectivité est un prisme, et qu’aucune vision n’est totale. Toute représentation du réel est une réduction.

Sortons du cadre avec lucidité et humilité

Le biais de cadrage ne doit pas être vu comme une erreur honteuse de notre cognition, mais comme une invitation à l’humilité. Il nous rappelle que nous ne voyons jamais la réalité « toute entière », seulement ce que notre champ de vision — sensoriel, émotionnel, culturel — nous permet d’en percevoir.

Alors sortons du cadre — ou du moins, prenons conscience de son existence. Déplaçons-le, élargissons-le, superposons-en plusieurs, et surtout ne le confondons jamais avec la totalité du réel.

Sortons du cadre et prenons la totalité de la réalité, tout en reconnaissant qu’en tant qu’humains, nous n’avons toujours qu’une vision de cette réalité limitée par notre champ de vision.

 

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Sommes-nous vraiment à l’abri de la désinformation ?

Une stimulante cartographie des crédulités

Merci à Richard Robert pour cet article de Télos «  Désinformation : une sociologie des vulnérabilités » et sa mise à jour particulièrement stimulante de la typologie des crédulités face à l’information et à la désinformation. En dressant un panorama éclairant des profils sociologiques, cognitifs et politiques impliqués dans la propagation de fausses informations, cet article permet de mieux cerner les dynamiques complexes à l’œuvre. Il offre ainsi des clés de compréhension précieuses pour un enjeu fondamental de nos sociétés démocratiques.

Une invitation à l’auto-examen

Cette lecture invite chacun à un salutaire retour sur soi. Il est tentant de se croire immunisé contre ces biais ou appartenant à une supposée « zone saine » de la distribution. Mais ce serait une illusion rassurante : même en se pensant modéré, éclairé ou rationnel, nul n’est à l’abri d’un moment de relâchement, d’une adhésion impulsive, ou d’un raisonnement dicté par l’appartenance plus que par l’analyse. Il est donc essentiel d’admettre que les vulnérabilités évoquées nous concernent tous, à des degrés divers, et pas seulement les extrêmes.

Quand l’intelligence sert le biais

Sur ce point, la formule « Quand l’intelligence rend stupide » mérite peut-être d’être nuancée. Les travaux de Dan Kahan montrent plutôt que l’intelligence peut être mobilisée au service du biais de confirmation lorsqu’elle est couplée à un engagement idéologique fort. Il ne s’agit pas d’un effet direct de l’intelligence elle-même, mais d’un détournement de ses capacités logiques au profit d’un objectif identitaire ou partisan. C’est donc moins l’intelligence qui rend stupide, que l’idéologie qui peut pervertir l’usage de l’intelligence.

Et la majorité modérée dans tout ça ?

Le schéma sur la diffusion asymétrique de la désinformation entre extrême gauche et extrême droite est particulièrement instructif. Mais il soulève une question essentielle : qu’en est-il de la « majorité silencieuse » située dans la zone centrale ? Dans un paysage médiatique où le sensationnalisme et la conflictualité dictent souvent les logiques de diffusion, cette majorité, supposément plus modérée, reste tout de même exposée à des récits extrêmes. Cette exposition peut influencer ses perceptions, sinon ses convictions. Même si l’article souligne, à juste titre, que les recherches contredisent certaines idées reçues sur l’ampleur de cette exposition, le rôle des médias dans l’amplification de contenus polarisants mérite peut-être un examen plus approfondi.

Valoriser la curiosité, vraie boussole critique

Enfin, il est réjouissant que l’article insiste en conclusion sur le rôle central de la curiosité scientifique. Cet esprit de curiosité — ouvert, prudent, rigoureux, mais jamais cynique — mérite d’être promu comme antidote aux dérives évoquées. Il suppose la capacité à accueillir des idées nouvelles sans s’y précipiter, à douter sans sombrer dans le soupçon généralisé, et à chercher sans se perdre. Ce qui caractérise les personnes dotées de cette curiosité, ce n’est pas tant leur niveau d’expertise que leur disposition à apprendre, leur goût pour la complexité et leur tolérance à l’incertitude.

Pour une sociologie de la curiosité.

Il serait passionnant que cet article se poursuive par une enquête équivalente sur la sociologie de la curiosité : qui sont ceux qui cherchent pour comprendre et non pour confirmer ? Qu’est-ce qui favorise cet état d’esprit ? Et comment pouvons-nous, collectivement, le cultiver ?

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De l’émotion au sens : cultiver le passage.

Merci, une nouvelle fois, à Cristol Denis de nous offrir ses analyses et pistes d’action. De la lecture de ce post je retiens cette formule « Le passage du vécu au su ne se décrète pas, il se cultive. Il exige du temps, de l’humilité, et la capacité à habiter les zones floues« . Une formule qui est de celles qui incitent à la réflexion et une belle invitation qu’il nous fait à poursuivre cette interpellation. Qu’il en soit remercié en introduction de ma propre réflexion.

De la surévaluation de l’expérience immédiate.

Notre société moderne, bercée par l’instantané, semble avoir perdu l’appétit pour le passage du vécu au su. Elle glorifie l’expérience immédiate – émotionnelle, spectaculaire, « vécue » – mais peine à accorder de la valeur au processus lent de transformation en savoir véritable.

L’obsession de l’efficacité, des résultats mesurables et de la rentabilité à court terme laisse peu de place à l’introspection, à la mise en mots, à l’analyse. Pourtant, dans un monde saturé d’expériences rapides et d’émotions brutes, il devient vital de réapprendre à transformer ces vécus en savoirs éclairants, transmissibles, puissants.

Entre vécu et su : une zone à apprivoiser

Le vécu est spontané, subjectif, souvent désordonné. Le su, lui, est structuré, transmissible, intégré. Mais entre les deux, s’étend un espace incertain, un territoire flou où l’on tâtonne, où l’on doute.

C’est là que le travail se fait. Dans cette zone grise résident la mémoire, l’émotion, la narration, la confrontation aux autres, et la mise à distance. C’est un territoire exigeant, qui demande de la patience, de la lucidité, et une certaine tolérance à l’inconfort et surtout une volonté farouche de défricher et de comprendre.

Cultiver le passage : un acte de résistance douce

On ne décide pas de « savoir » du jour au lendemain. Ce passage se cultive, comme une terre. Il demande du temps, du soin, de l’humilité. Il faut y revenir, encore et encore, jusqu’à ce que quelque chose prenne forme.

Cultiver, c’est accepter l’invisible, le lent, le fragile. C’est oser dire « je ne sais pas encore », mais je suis en chemin. Dans un monde de slogans et de certitudes, cela relève presque d’un acte militant.

Devenir artisan de sens : les compétences clés

Accéder au « su » suppose de mobiliser des compétences de fond, trop souvent négligées dans les parcours éducatifs ou professionnels :

  • Réflexivité : se regarder agir, penser, ressentir.
  • Curiosité : aller chercher au-delà du vécu brut.
  • Écoute : se confronter à d’autres récits, d’autres angles.
  • Formalisation : mettre en mots pour mieux comprendre.
  • Temps : laisser décanter, revisiter, relire l’expérience.

Ce sont là des compétences humaines, transversales, qui construisent une intelligence sensible, relationnelle et durable.

Réapprenons à penser nos expériences

Dans un monde pressé, savoir prendre le temps de penser ce que l’on vit devient un acte précieux. C’est une manière de reprendre la main sur notre existence, de ne pas se laisser happer par le flot d’événements et de stimuli.

Réapprendre à transformer le vécu en savoir, c’est investir dans une sagesse collective, humble et puissante. Cela commence par une question simple : suis-je prêt à investir ces zones grises et floues dont parle Cristol Denis  pour mieux comprendre ce que je vis ?

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Recentrer l’attention pour transformer l’action

Un changement de focale essentiel

Un grand merci à Cristol Denis qui, à travers ses apports sur la Théorie U, nous invite à prendre un temps salutaire : celui de réfléchir à la manière dont nous portons notre attention. À l’heure où tout conspire à la capter, la détourner ou la fragmenter, cette attention est un bien précieux. Pourtant, nous y veillons peu.

Écouter ce qui vibre en soi

Cristol Denis nous propose une bascule essentielle :

« Déplacer le centre de gravité de la pensée vers la source d’où elle émerge. »

Il nous appelle à écouter ce qui vibre en nous, au-delà du bruit ambiant : intentions, peurs, désirs, intuitions… Un ralentisseur de l’évidence pour sortir des automatismes et ouvrir l’espace des possibles.

 Revenir à l’intérieur : recentrer l’attention

Il s’agit de passer d’une focalisation sur les apparences, les résultats immédiats et les réactions, à une écoute des mouvements intérieurs. Cette clarté retrouvée redonne du sens, en deçà des pressions sociales et des rôles.

 Une nouvelle qualité d’écoute collective

Ce changement d’attention transforme aussi notre rapport aux autres : l’enjeu n’est plus de convaincre, mais de co-construire du sens. L’écoute devient mutuelle, féconde, amplificatrice de coopération et d’authenticité.

 Sortir des automatismes pour orienter l’intention

En ralentissant, on cesse de réagir par réflexe. On commence à voir les systèmes dans lesquels nous sommes pris, et à orienter notre intention vers ce qui compte vraiment. Ce n’est pas renoncer à agir, c’est agir autrement.

 Un contre-pied à nos modes dominants

Ce regard intérieur entre en tension avec nos modèles dominants :

  • Culture de la performance rapide

  • Communication orientée pouvoir,

  • Fragmentation de l’attention.

Autant de modèles qui nous éloignent de la lucidité, de l’écoute et de la coopération.

 Conditions pour un changement durable

Pour intégrer ces idées dans nos vies et nos organisations, plusieurs leviers peuvent être activés :

  • Culture managériale plus coopérative,

  • Éducation à l’intelligence émotionnelle,

  • Espaces protégés pour la réflexion,

  • Valorisation du « non-agir » fécond.

 Des effets concrets et bénéfiques

Pour la société :

  • Moins de décisions précipitées,

  • Relations apaisées,

  • Projets plus durables,

  • Moins de stress, plus de cohérence.

Pour chacun de nous :

  • Clarté intérieure,

  • Écoute profonde,

  • Conscience systémique,

  • Alignement avec ses valeurs.

 Pistes d’action pour chacun et pour tous

Individuellement :

  • Clarifier ses intentions,

  • Ralentir pour mieux agir,

  • Écouter sans agenda,

  • Comprendre les systèmes.

Collectivement :

  • Former à la pleine présence,

  • Créer des espaces de dialogue sincère,

  • Intégrer ces pratiques dans l’éducation,

  • Encourager des récits valorisant la lenteur et le sens.

 Sachons répondre aux objections avec confiance

À ceux qui taxeraient cette démarche d’idéaliste, rappelons ceci :

  • Ce sont les logiques actuelles qui produisent chaos et épuisement.

  • Les grandes avancées naissent souvent à la marge.

  • Il ne s’agit pas d’inaction, mais d’une action plus juste.

  • Ce temps pris est un investissement en efficacité et en lucidité.

 Une Invitation à l’action

Et si nous osions prendre ce temps ? Celui de nous écouter, de mieux comprendre, de co-construire. Ce recentrage de l’attention n’est pas une utopie : c’est un levier puissant pour une transformation individuelle et collective. Commençons dès aujourd’hui à porter attention… à notre attention.

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Comprendre avant de juger : l’intelligence des comportements.

« Mais qu’il est c… !« 

SI vous ne l’avez jamais pensé au constat d’un comportement ou d’une remarque d’un de vos c..génères vous méritez non le Prix Nobel de sociologie, qui n’existe pas, mais à défaut le prestigieux Prix Holberg qui en tient lieux pour les sciences humaines, sociales.

A quand un Prix Nobel des Sciences Humaines ?

Rappelons que le Prix Nobel a été créé en 1895 par testament d’Alfred Nobel. Qu’il ait fallu attendre 2003 pour que le Prix Holberg soit créé en Norvège montre assez que la science honorable d’un prix a longtemps été cantonnée à l’utile et à l’objectif de la physique de la chimie, de la médecine, de l’économie,…, lesdites sciences sociales n’ont toujours pas droit à la médiatisation du Nobel. En effet qui d’entre nous a déjà entendu parler du Prix Holberg ? Un prix qui a pourtant honoré, entre autres, Bruno Latour ou Jürgen Habermas…

Une marginalisation des sciences sociales

J’en tire un constat sous-jacent : à l’abri de cette non reconnaissance des sciences sociales tenues si longtemps à l’écart des tapis rouge, ont pu prospérer tous nos « Mais qu’il est c.. ! ». Une interjection qu’il nous arrive de proférer d’un air aussi affirmatif qu’exaspéré loin de tout effort de compréhension du pourquoi de ce comportement décrié.

L’intelligence des acteurs : une clé universelle

J’ai souvent écrit sur le sujet mais je ne me lasse pas de le faire chaque fois que l’occasion m’en est donnée. Ce concept « d’intelligence des acteurs » résume pour moi toute la sociologie et sa démarche. Il est d’une simplicité extrême et sa compréhension et encore plus sa mise en œuvre résume toute la démarche sociologique. Il exonère, à lui seul, de la lecture de tous les ouvrages de sociologie et de l’écriture de thèses interminables. Parler de l’intelligence de l’acteur ne revient pas à évaluer, à vanter ou décrier le niveau de son QI. Il s’agit tout simplement, et en permanence, de se poser une question toute simple face à autrui : « Quelles sont ses bonnes raisons d’agir comme il agit ? ».

Un changement radical de point de vue

La question est simple mais oh combien difficile à adopter réellement et en permanence. Il y faut un changement complet d’état d’esprit, un changement d’angle de vision, en se transposant dans les chaussures de son vis-à-vis. Cela peut aller même à se voir soi-même dans le regard de l’autre … Un proverbe (soi-disant) sioux dirait qu’il ne faut juger l’autre qu’après avoir chaussé ses mocassins et marché avec. Dans cette idée, j’ai pour habitude de poser cette question « Connaissez-vous réellement la pointure de vos clients ? » et je ne me berce de pas trop d’illusions sur la nature de la réponse.

Un système éducatif peu propice à la décentration

Je m’efforce, notamment auprès de mes étudiants, de mes clients et contacts, d’inculquer ce changement de point de vue mais sans me bercer, là non plus, de trop d’illusion tant le changement de point de vue est radical. Un point de vue qui est à l’opposé de la centration sur soi  portée par tout  notre système de pensée tutorisé puissamment par notre système économique et notre système éducatif qui le sous-tend.

 Une compréhension des bonnes raisons… qui sont parfois mauvaises

La question n’est pas d’accepter tout comportement mais bien de les comprendre avant éventuellement de les juger et de tenter alors de les faire évoluer. Comprendre ne revient pas à dire « accepter ». De bonnes raisons peuvent n’en n’être que de mauvaises une fois comprises et analysées dans toutes leurs conséquences autant pour la personne que pour son environnement.

Une compréhension indispensable à une transformation réussie

Comme je l’évoque dans cet article « L’intelligence des acteurs : comprendre pour transformer » seule cette compréhension de l’intelligence des acteurs peut permettre une transformation réussie.

Une posture de compréhension…

Cette posture de compréhension (à proprement parler de com-préhension) est gage d’une relation apaisée et « adulte » et évite de coller des solutions sur des problèmes non « auscultés ». C’est simple vous dis-je. Il suffit d’oublier que cela est de la sociologie et de reconnaitre que c’est tout simplement la nécessaire compréhension de l’autre, sa prise en compte et son respect.

 Une posture de com-préhension

Une posture dans laquelle nous avons notre place tout autant que l’autre. Ce « com » (de « cum » avec) est notre assurance contre ce « c.. » que l’on décriait. Il a toute son importance car dans cette compréhension il s’agit de ne pas s’oublier et de prendre en compte tout autant nos bonnes raisons d’agir et de réagir comme nous le faisons.

Un partage de raison(s)

Alors pourquoi s’en priver ? Elle est la clé à la réussite de chacune de nos actions sachant qu’aucune de nos actions n’intervient dans un monde en apesanteur et sans interlocuteur ou pourrait-on dire d’« interacteur ». Ayons l’intelligence de la reconnaitre.

Face aux comportements qui nous irritent, essayons de nous poser une seule question : Quelles sont les bonnes raisons derrière cela ? Ce simple geste d’attention et d’empathie pourrait bien être le début d’un changement personnel, relationnel et collectif. Faisons vivre l’intelligence des acteurs : comprenons pour transformer.

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Pensez sans étiquette.

Redécouvrir le sens de « s’adresser »

Tout gamin, j’ai appris qu’il fallait se découvrir pour s’adresser à quelqu’un. Ce geste de respect disait déjà beaucoup. Aujourd’hui, la casquette est devenue capuche, lunettes de soleil, AirPods… autant d’écrans. Mais que signifie vraiment « s’adresser » ? C’est chercher l’adresse de l’autre, là où il est, mentalement, émotionnellement. Et combien de nos messages échouent, étiquetés NPAI : N’habite Pas à l’Adresse Indiquée… ?

 Nos casquettes : des filtres et des cages

Dans nos échanges, nos « casquettes » (professionnelles, sociales, intellectuelles) deviennent des filtres pour autrui et parfois des prisons pour nous-mêmes. Elles figent la relation. Elles réduisent la personne à une fonction, une méthode, une posture.

Penser au-delà de l’étiquette

La lecture d’un article de Jérôme Lecoq « Nos croyance nous enferment-elles ? Libérer sa pensée par la pratique philosophique. » m’a ramené à cette conviction : ce n’est pas la méthode qui compte, mais la finalité. Se revendiquer d’une approche (philosophie, sociologie, systémique, etc.) peut rassurer… ou repousser. Ce qui compte, c’est la pensée vivante sous la casquette et le « chef » qui est ainsi couvert. C’est la capacité d’accueillir et de coconstruire une réflexion, dans une relation humaine.

Ce que le client cherche vraiment

Un client ne cherche pas une « méthode », il cherche une transformation. Comme celui qui appelle un plombier ne se soucie pas de sa caisse à outils, mais veut voir son dégât des eaux résolu. Ce qui inspire confiance ? Les recommandations, l’expérience, la qualité de l’échange. Pas une étiquette plaquée sur le front.

Une invitation à changer de couvre-chef

Sortons de cette pensée limitante. Ne soyons plus définis par nos titres, nos écoles ou nos modèles. Soyons ouverts, curieux, adaptables. Cela renforce notre posture, élargit notre impact, et rend notre présence plus accueillante, moins à l’écoute de nos savoirs, et plus curieuse de l’autre et de la situation.

Un chapeau à multiples reflets pour penser autrement

Si vous tenez à rester « couvert », troquez la casquette pour un haut de forme à huit reflets : un symbole de pensée multi-éclairée. Soyez ce professionnel capable de réfléchir à travers différents prismes : sociologie, économie, philosophie, stratégie, psychologie… Et renvoyez, comme le huit reflets, des lumières multiples, adaptables, vivantes.

Et vous, que reflétez-vous ?

Alors, et vous ? Quelle lumière reflétez-vous ? Êtes-vous prêts à troquer votre casquette pour une posture plus ouverte, plus libre et plus humaine ? Faites le choix de la pensée vivante. Échangeons autrement.

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L’improvisation : l’art de la vie.

Un concert mythique, une leçon d’improvisation

Le 24 janvier 1975, Keith Jarrett donnait un concert à l’Opéra de Cologne. Ce moment unique de 66 minutes d’improvisation est considéré comme la « Joconde du Jazz ». Redécouvert grâce à l’émission On ne s’improvise pas improvisateur animée par Adèle Van Reeth sur France Culture, ce concert devient prétexte à une méditation profonde : l’improvisation est-elle pure inspiration ou le fruit d’un long entraînement ? Et plus fondamentalement, notre vie n’est-elle pas qu’une permanente improvisation ?

Improviser : don ou discipline ?

Keith Jarrett lui-même pose la question : improvise-t-il « à partir de rien » ou à partir d’un « plein » construit au fil du temps ? Ce rien, loin d’être un vide, serait plutôt une richesse enfouie qui surgit. L’improvisation apparaît alors non comme une illumination divine, mais comme une compétence façonnée, enracinée dans l’habitude et la pratique.

L’art de transformer l’accident en opportunité

Improviser, c’est être capable de capter les signaux de l’environnement et d’en faire quelque chose. Jarrett ouvre son concert par les notes « Sol Ré Do La », écho direct à la sonnerie de l’opéra. C’est ce que les anthropologues appellent « affordance » : la capacité d’agir en s’appuyant sur les opportunités imprévues. L’improvisation, c’est cette manière de composer avec le monde tel qu’il se présente.

Routines créatives : la force invisible du geste

Loin d’être un art du vide, improviser, c’est mobiliser un répertoire de gestes appris, répétés, incorporés. Ce sont ces gestes, transformés en réflexes, qui permettent l’adaptation rapide et la création vive. C’est aussi valable dans la vie quotidienne que dans la musique : nous improvisons tous, à chaque instant.

Fabriquer plutôt que consommer

Jarrett évoque cette image : se faire à manger avec ce qu’on trouve dans le frigo, plutôt que de commander une pizza. Penser, créer, jouer : tout cela demande de partir de ce que l’on a appris et gardé en soi, plutôt que d’imiter des recettes toutes faites.

Improviser, c’est être vivant

L’improvisation est moins un saut dans l’inconnu qu’une réponse inventive à ce qui nous entoure. C’est un art profondément humain, une intelligence du présent nourrie par le passé. Et si, au lieu de chercher à tout planifier, nous apprenions à mieux écouter, observer, et faire avec ce que la vie nous offre ?

Que faisons-nous de ce qu’il y a dans notre frigo intérieur ?

Explorons, jouons, improvisons — la vie est un concert à inventer à chaque instant. Mais n’oublions pas de remplir notre frigo de nos propres emplettes.

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Fuir le conflit, c’est se fuir soi-mêmes

Le conflit comme rencontre

Laurent Quivogne , dans sa chronique « Le lundi, c’est conflit », nous distille une sagesse précieuse : le conflit est une rencontre avec l’autre. Il nous invite à ne pas fuir cette confrontation, car en l’évitant, nous nous privons d’un double bénéfice : éviter l’accumulation de frustrations et exprimer nos besoins profonds.

Fuir le conflit, c’est se fuir soi-même

Mais à bien y réfléchir de quoi avons-nous vraiment peur ? Et si, derrière la peur de l’autre que pointe Laurent Quivogne, se cachait la peur de nous-mêmes ? Le conflit nous confronte à nos zones d’ombre, à nos blessures, à ce que nous portons en silence.

La loi de gravité relationnelle

Comme une force inéluctable, le conflit nous ramène à nous-mêmes, malgré tous nos efforts pour l’éviter. Cette métaphore de la gravité est puissante : en fuyant les tensions, c’est notre propre intériorité que nous tentons d’esquiver en vain car par gravité nous y sommes sans cesse ramenés.

Un constat de sympathie avec soi-même

Alors, avant de tendre un constat d’assurance à l’autre, rencontré par « accident », pourquoi ne pas remplir et nous tendre un constat de sympathie envers nous-mêmes ? Reconnaître notre responsabilité, notre humanité, nos émotions, c’est déjà transformer la rencontre conflictuelle en un espace d’écoute mutuelle.

Hommage à un éclaireur du dialogue

Merci à Laurent Quivogne pour sa persévérance à désarmer les conflits et à en faire des outils de dialogue. Son approche ouvre une voie responsable et respectueuse vers la pacification intérieure et relationnelle.

Et si, cette semaine, nous décidions de ne pas fuir un petit conflit… mais d’en faire une opportunité de rencontre avec-nous-mêmes et avec l’autre?

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