Comprendre pour Agir

« L’intelligence des acteurs » au cœur de la compréhension des situations.

« L’intelligence des acteurs » est le concept au cœur de la sociologie des organisations  portée par Michel Crozier et continuée, entre autres, par François Dupuy (1) et (2). Il postule que chacun des acteurs, nous, comme chacun de ceux qui nous entourent, a de bonnes, ses bonnes raisons, d’agir comme il agit.

Cela paraitra à beaucoup une évidence. Mais est-ce vraiment le cas lorsque l’on considère ses implications sur notre propre vision des situations problématiques rencontrées et des comportements que sa totale intégration devrait nous amener à adopter ?

En effet, si, intellectuellement, ce concept semble facilement compréhensible, sa traduction dans nos propres comportements est autrement plus difficile. Avouons qu’il nous est parfois bien difficile d’en faire notre grille de lecture et d’analyse à la base de nos décisions et de nos comportements.

Une lecture compréhensive et simple des situations qui toutes sont complexes.

Toute situation par la multiplicité de ses déterminants est complexe. Toute lecture qui prétend en montrer « a priori » la simplicité est mensongère. Cette prétendue simplicité, fournie péremptoirement, n’est que le fruit des impasses et angles morts auxquels les biais cognitifs condamnent le « lecteur » de la situation. Un lecteur qui se presse souvent d’aboutir par un jugement a priorique à une solution. sa solution.

Une analyse « compréhensive » de la situation prendra en compte l’ensemble des acteurs (parties prenantes) et leur écosystème pour envisager le réseau de relations qui structure et innerve la situation.

La prise en compte de cet écosystème, du réseau d’interactions entre ses parties prenantes et de l’intelligence de chacun de ses acteurs, est le nécessaire et exigeant cheminement vers une réelle compréhension d’une situation.  Une compréhension qui offre alors une lecture « simple » de la situation, une lecture simple et non simpliste. Une lecture simple qui met en « évidence », les évidences sur lesquelles il est alors possible d’agir. Ceci est le propre de la « Simplexité » (l’art de rendre simples, lisibles, compréhensibles les choses complexes).

Les sciences sociales en instance d’expulsion du domaine de l’entreprise.

Le constat de la difficulté des sciences sociales à pénétrer le monde de l’entreprise, pourtant un des acteurs sociaux essentiels, interpelle. Certains tels, entre autres, François Dupuy dénoncent cette part qu’ils estiment de plus en plus réduite et plaident pour leur renfort. Il concède, humblement et tout à son honneur, que les sociologues, dont il est, ne sont pas indemnes de responsabilité dans ce rejet progressif par les dirigeants. Il pointe en effet, pour la regretter, la trop fréquente arrogance des sociologues. Comment s’étonner de ce rejet par les chefs d’entreprise  lorsque, aux yeux de nombre de sociologues, ils sont  considérés comme « la source du mal » et que l’intervention de sociologues en entreprise est souvent  missionnée sur les thèmes de la souffrance au travail.

Les fausses « bonnes » solutions au vrais-faux problèmes.

Le constat du fréquent échec d’actions de transformation et de nombre d’actions (remarquons que toute action est une action de transformation), convoque deux causes principales. Communément, soit l’action ne porte pas sur le ou les problèmes qui affecte(nt) la situation, soit, alors même qu’elle adresse le véritable problème, elle ne résulte pas ou insuffisamment d’une lecture «  compréhensive » de la situation et pêche par un manque de compréhension.

Le constat est là que, souvent et sous la pression de l’urgence (mais est-ce là la seule cause à cet empressement ?), les décideurs adoptent des solutions sans s’être assurés qu’elles sont bien posées en réponse aux vrais problèmes à traiter ou que, faute d’une lecture compréhensive de la situation, elles solutionnent effectivement le(s) problème(s) rencontré(s).

Les voies pour une action pertinente et efficace.

Dès lors, et afin de travailler à la pertinence et à l’efficacité des actions tirées d’une réelle compréhension des situations, il convient de travailler au triple objectif de :

  •  l’identification du ou des problème(s) que pose une situation complexe qualifiée de problématique et comme telle de non satisfaisante. (Notons que toute situation envisagée dans sa densité est complexe),
  • la compréhension du problème et sa lecture compréhensive,
  • l’évolution de ces situations (et donc de ses acteurs) pour qu’elles deviennent « satisfaisantes »

Il convient également de s’intéresser, aux raisons qui font privilégier à certains dirigeants des solutions « importées » et souvent insuffisamment spécifiques au problème rencontré voire qui « solutionnent » les « mauvais » problèmes.

Autant d’éléments qui tenteront ainsi de réconcilier les décideurs avec des approches des sciences sociales en faisant fi des chapelles méthodologiques au profit de la pertinence et de l’efficacité des actions.

Au final, par un effet d’emboitage successif, chacun de ces efforts enrichiront « l’intelligence des acteurs » en donnant à chaque acteur de « bonnes » raisons d’agir sur l’évolution de la situation insatisfaisante. Et cela pour chaque acteur, le dirigeant comme chacun des acteurs parties prenantes à la situation.

(1) Cf. les 3 interviews accordés  à RéSolutions Hebdo au printemps et à l’été 2020 retraçant son parcours, le résultat de ses travaux et son combat pour libérer la sociologie des organisations du procès d’inaction qui lui est souvent fait. 

(2) Cf. le webinaire donné par François Dupuy à l’EDHEC en novembre 2020 à l’occasion de la sortie de son dernier livre « On ne change pas les entreprises par décret). Présentation dans laquelle il insiste, entre autres, sur le rôle positif  de la complexité dans les entreprises.

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